Compte rendu des plaidoiries des avocats lors du
procès Mindin
Jeudi 4 Juillet 2006 Tribunal de Nantes
L'audience étant publique, il est possible de diffuser ce document où bon vous
semble.
Madame Morvant-Vilatte avocat de la Direction de Mindin : [...] Un dangereux libertaire, qui veut mettre à mal l'institution, manipule une personne dépressive et délirante. C'est de la désinformation ! […] Il y a bien eu quelques problèmes, il y a quelques années, mais les changements et les évolutions, mises en ouvre par la Direction, ont bien amélioré les choses, c'est évident ! Tout ce qui est dit est choquant pour la Direction, les employés, les familles. En terme d'images les dégâts sont énormes. […] Il faut que ça s'arrête ! Répression !
L'avocat de Chantal Thomas, Maître Maillet :
Le rapport au Sénat intitulé « La maltraitance des handicapés en institution : briser la
loi du silence ». Ce rapport parle « d'omerta ». Il date de
2002 - 2003 et a été rédigé par des sénateurs, des magistrats reconnus pour
leur sérieux. Ce rapport soulève la question des salariés qui dénonce la
maltraitance. Ces salariés sont en position difficile, c'est ce qui se passe
pour Madame Thomas.
Le Rapport de la DDASS 44 et non de l'IGAS, il a été fait
pour vous dire que tout va bien à Mindin.
Là où tout se passe bien, le rapport établi en une journée donne des chiffres
au sujet des actes de violence. Il faut couvrir !
Le nombre de personnes handicapées est 960, il approche donc les 1000 personnes. En 2000, le chiffre donné dans les annexes du rapport sur les actes de violence est de 363 sur un an, soit un acte de violence par jour.
L'évolution non contestée pose encore problème. Le
constat est catastrophique, en 2005, on nous dit qu'il y a eu 120 actes de
violence sur 11 mois, c'est inacceptable et beaucoup trop, mais tout va
bien !
La loi de 2002 a permis d'améliorer les choses, mais dans le rapport de la
DDASS 44 (et non de l'IGAS) établi en Novembre 2005 postérieurement à
l'émission de radio, il est dit que l'application de cette loi a commencé en
Janvier 2005. Ce délai est assez long.
Sur l'alcool le constat de la DDASS 44 est clair, oui il y a de l'alcool à Mindin, mais tout va bien. En page 9 du rapport, il est question de cela et on voit bien qu'il ne s'agit pas seulement de moments festifs. La législation du Code du travail énonce un principe général. L'alcool est interdit sur le lieu de travail (Article R 232.3.1 et article L 232.3 du code du travail).
Que dire du rapport aux résidents ? L'alcool leur est interdit, mais sous leurs yeux l'alcool est là. Quelle image les employés donnent-ils ? Les résidents ce sont des personnes diminuées, qui ici se trouvent dans une situation aberrante. Pour eux l'alcool est interdit, il est contre-indiqué puisqu'ils prennent des médicaments psychotropes. Dans le rapport de la DDASS, on critique Madame Thomas sur son action sur l'alcool, pourtant on sait que l'alcool altère l'attention, qu'il est dangereux pour les personnes qui prennent des neuroleptiques.
Sur les médicaments, il y a beaucoup de problèmes. Le rapport de la DRASS (Direction Régionale des Affaires Sociales et Sanitaires) nous dit qu'en la matière tout va mal à Mindin. La tenue d'un registre pour la délivrance des substances vénéneuses est obligatoire. C'est le cas de la morphine, opiacés, par exemple. L'État a institué un contrôle rigoureux pour éviter les erreurs et le marché parallèle. On apprend dans ce rapport DRASS d'Août 2005, que le registre n'est pas tenu. Mais tout va bien pour le rapport de novembre 2005 de la DDASS 44.
Dans les annexes du rapport de la DDASS, la DRASS (la Direction Régionale cette fois) nous apprend qu'à Mindin, il y a eu un exercice illégal de la pharmacie. La personne, qui a remplacé la personne responsable de la pharmacie interne lors de son absence, n'avait pas les diplômes nécessaires. Il y a bien un problème de médicaments en 2005, pourtant la DDASS 44 dit que tout va bien. Ce rapport vous dit que vous avez à faire à un établissement modèle. L'analyse de la DDASS couvre le refus de dire qu'il existe des problèmes à Mindin.
La question de la légitimité : oui ! L'action de Chantal Thomas est légitime et depuis longtemps, elle est confrontée à la critique et à la loi du silence. Elle agit pour l'amélioration des conditions de vie des handicapés. Il n'y a pas d'animosité dans ses propos, elle ne fait pas d'attaques personnelles. Elle a un problème avec l'institution, mais elle ne veut pas se venger. C'est une sorte de sacrifice, elle a reçu un blâme, elle été soumise à des mutations, elle a fait un service par an.
Sur l'alcool, elle a reçu un blâme et n'en tire pas d'animosité. Oui, elle parle de l'institution, mais c'est du fonctionnement qu'il s'agit. C'est une volonté de réforme, pas une volonté de nuire.
Sur la prudence : elle dénonce un scandale. Beaucoup de choses graves ont été abordées dans les articles de presse de Ouest France au fil du temps. La prudence ? L'inspection a duré une seule journée, elle n'a entendu que des personnes du cercle de la Direction, c'est tout. Malgré tout, elle se piège elle-même, parce qu'il ressort du rapport et de ses annexes des chiffres de violence et les problèmes d'alcool.
La qualité de l'enquête ? C'est le vécu authentique de Madame Thomas. Elle a alerté la LDH en 1994, qui dans une lettre précise a soulevé des comportements inadmissibles comme les brocs d'eau lancés à la figure des malades, oui ça existait ! Les témoins : il y en a eu à l'intérieur et à l'extérieur. Nicolas De La Casinière en a fait un reportage qui n'a pas été attaqué en justice. Les syndicalistes et leur mutisme sont éloquents. Ils n'ont pas écouté l'émission, mais ils disent que Madame Thomas et Monsieur Coutant sont de mauvaise foi. Donc, ça circule en interne à Mindin.
Les témoins n'ont pas reculé :
- La Direction est couverte par le Conseil Général ;
- Les syndicats couvrent ;
- L'association des familles cogère l'institution, elle n'a pas intérêt à la fermeture. La menace pèse sur les familles pour qu'elles reprennent les personnes handicapées chez elles. Donc elles ont tendance à couvrir. Le rapport du Sénat l'explique bien.
Conclusion : tout va bien ! La DDASS 44 participe de la loi du silence et couvre les faits ; il y a un enjeu énorme dans ce procès pour Madame Chantal Thomas. Selon la décision du Tribunal, elle continue de travailler ou non. Elle risque le licenciement. Si elle est condamnée, elle sera virée parce qu'il faut la faire taire. Il faut faire un exemple ! Ses révélations ne concernent pas la DDASS, qui couvre l'établissement de Mindin qui, lui, veut effacer cette parole.
Maître Trébern avocat de Philippe Coutant : La difficulté de ce dossier
tient au fait qu'il est objectivement diffamatoire. La loi impose aux personnes
assignées de faire la preuve des faits sous 10
jours, ce qui est impossible. L'analyse de la jurisprudence permet un
déplacement sur la notion de bonne foi. On ne peut pas parler des faits,
seulement s'il y a ou pas intention de nuire. Il s'agit de savoir si les
personnes ont décidé de nuire ou d'informer avec des témoins. On constate
l'intégralité du changement de perspective.
Le but légitime ?
Le titre du rapport au Sénat est explicite : « La maltraitance des handicapés en institution : briser la loi du silence ». Il y a des pressions sur les victimes, du chantage sur les familles, des fortes pressions sur les salariés. Un certain nombre de gens ont dit qu'il était temps de réagir. Mais on le voit, il est difficile de soulever les problèmes face à la fermeture de l'établissement. Les syndiqués ne peuvent pas dénoncer les maltraitances à cause du chantage à l'emploi. Madame Thomas a dit les choses, peut-être pas de la bonne manière, elle s'est mise à dos ses collègues. Elle demande le respect pour les malades, elle est mal vue. Elle parle de l'alcool, elle est condamnée. Au quotidien, si on ne dit rien, on cautionne. Pour la rejeter, on dit que Madame Thomas est délirante et que l'institution est blanche.
Le but légitime ? À Alternantes Monsieur Coutant donne la parole aux exclus. Madame Thomas est AMP (Aide Médico-Psychologique), il lui donne la parole et c'est légitime. La non dénonciation de la maltraitance est un délit puni de trois ans d'emprisonnement. Il incite volontairement, oui, elle est excessive ?
Non !
L'enquête de Monsieur Coutant ? Il faut rappeler le contexte. Il n'a pas de carte de presse, il est bénévole, il a foi dans cette personne. Il a lu des articles depuis des années sur Mindin. Il connaît l'affaire de Gwenvaël, qui a été violé. Ce n'est pas un délire, c'est dans la presse.
Quand en 2003, 80 personnes bloquent le pont de St Nazaire, ils parlent de violence, de prise en charge minimale, aucune personne n'est poursuivie. Tout ça c'est dans le dossier.
L'omerta est bien réelle. Il y a un problème de parole autour de cette affaire. Des gens veulent bien témoigner, mais ne veulent surtout pas être connus. Il y a bien eu des rencontres pour parler de ce qui se passe à Mindin. Ce ne sont pas des inventions. Les statistiques du rapport au Sénat notent que plus de 54 % des salariés en institution pour handicapés ont été confrontés à la maltraitance. Madame Thomas, elle a décidé de parler. Monsieur Coutant lui donne la parole, elle n'est pas délirante.
Il n'est pas prudent, il manque d'objectivité ? Mais la subjectivité ça existe dans le journalisme, il donne son regard sur les choses. Quand vous lisez le Canard Enchainé, c'est la même chose. Il verrouille, il induit ? Oui ! Il a eu plusieurs rencontres avec Madame Thomas. Elle a peur. Il étudie les papiers qu'elle lui présente. Il connaît déjà Mindin. Il connaît Nicolas de La Casinière, il lui téléphone. Celui-ci lui transmet l'avis de la Direction. La Direction aurait pu venir au micro exercer son droit de réponse, non elle ne l'a pas fait, elle évite la confrontation directe. Monsieur Coutant sait qu'avant c'était catastrophique, il fait un croisement des choses déjà connues, les témoins disent tous la même chose.
Non, il n'y a pas d'intention de nuire. Ses questions à Madame Thomas ont pour but de lui faire redire ce qu'elle avait déjà dit. Il fait son métier, ce n'est pas Fogiel. Ce type d'émission, que je n'aime pas, a du succès, ça plaît ! Monsieur Coutant, lui, il le fait bénévolement, peut-être avec des maladresses. Son but c'est donner la parole, les faits sont recoupés. Madame Poulinet lui a parlé, un jeune homme a été violé. Oui, il ne faut pas parler du viol, il n'y a pas eu condamnation pénale. Mais sa mère le découvre en voyant les tâches de sang dans son slip. Ce jeune homme se fait sodomiser et ses demandes d'intervention auprès de l'institution sont ignorées.
Monsieur Coutant sait qu'il lui est impossible de faire une enquête sérieuse, quand Nicolas De La Casinière lui rapporte que la position de la Direction de Mindin c'est : « ça n'existe pas ! ». L'intention de nuire ça ne tient pas, ce n'est pas son intérêt. Il dit qu'il veut le changement. Madame Thomas risque d'être licenciée, ce n'est pas par intérêt qu'elle agit. Il n'y a pas eu volonté de nuire, mais d'informer.
Philippe Coutant Nantes le 5 Juillet 2006
Ps : Cette tentative de compte-rendu est subjective et forcément
approximative, comme tous les compte rendus. Il a été établi à partir des notes
prises lors de l'audience et vérifié par plusieurs personnes.