Les valeurs cachées de l’école

 

L’éducation nationale n’aspire nullement à une quelconque neutralité dans le respect de la liberté d’opinion de chacun. Il est malheureusement indéniable que l’École est chargée de véhiculer certaines valeurs. à la grande époque de la laïcité, les « hussards noirs de la République » devaient substituer l’amour de la Patrie à celui de Dieu. Aujourd’hui, elle doit soutenir un modèle de société capitaliste. Le MEDEF a commencé à développer son emprise dans le domaine scolaire depuis quelque temps. Auparavant le patronat se limitait à quelques actions anodines de partenariat : CD-ROM et affiches adressés par Kellog’s dans les écoles,  « sponsoring » douteux lors de fêtes ou manifestations scolaires, tel Orangina qui soutient la campagne sur les droits de l’enfant en octobre 2003… Désormais, il s’agit d’une véritable politique visant à orienter le système scolaire. En octobre 2003, Michel Pébereau, président de BNP-Paribas, est chargé de tisser des liens entre le patronat et l’Éducation nationale. Le 15 octobre, Le Monde publie une interview de Ferry intitulée « Réhabiliter le travail : à l’école aussi ». Le ministre reprend le discours de Seillière et Raffarin conspuant la « culture des loisirs » et glorifiant le culte du travail (argument pour la réforme des retraites, l’allongement de la durée hebdomadaire du travail ou la réforme des aides aux chômeurs ou intermittents). Ferry y déclare même en défendant l’importance du travail que « c’est une évidence, et Michel Pébereau l’a fort bien dit ». Au moins, cette déclaration a le mérite d’être claire et franche. Le 1er décembre 2003, le MEDEF a organisé à Lyon un forum sur l’école au beau milieu du « grand débat » afin de réfléchir à la manière de peser sur la future loi d’orientation. Il n’est donc guère surprenant de constater que les savoirs privilégiés par le fameux rapport Thélot sont ceux qu’attendent les patrons : connaissances minimales, maîtrise de l’anglais et de l’informatique, « normalisation » des comportements (une sorte de « savoir subir ensemble ») ; démarche scientifique et culture générale, qui permettent pourtant à l’individu de comprendre et d’agir sur le monde qui l’entoure, sont quelque peu dénigrées. L’« employabilité » des élèves est en passe de devenir l’objectif majeur de notre système scolaire.

Par ailleurs, l’engouement des enfants pour les marques de vêtements de sport ne conduit-il pas au port ostensible de signe d’appartenance à la société de consommation et à l’idéologie capitaliste ? C’est en tout cas un élément très fort de « distinction sociale » et de discrimination entre les élèves. Il est même assez frustrant d’observer des enfants de famille modeste faire pression sur leurs parents pour qu’ils se ruinent dans ces achats ou se moquer de ceux qui ne portent pas ces fameuses marques. N’y a-t-il pas faillite éducative lorsque des élèves de 10 ans ne jurent que par des vêtements fabriqués par des enfants de leur âge, exploités par l’économie capitaliste ?

 

Syndicat intercorporatif de Châteauroux

(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – novembre/décembre 2004 n° 196) Imprimer