Algérie et terrorisme

 

En 2004 est paru un livre sur l'Algérie qui n'a eu aucun retentissement médiatique : « Françalgérie crimes et mensonges d’états », de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire éditions La Découverte, 23 euros.

Les auteurs, deux journalistes dont le courage est à saluer, ont produit un travail très bien documenté sur la situation algérienne, même si l'on peut légitimement avoir quelques réserves sur leurs conclusions citoyennistes (comment, en lisant l'histoire des complicités entre l'État français et les généraux algériens, peut-on encore s'illusionner sur la réalité de l'État de droit qu'ils appellent de leurs vœux ? ).

Pour expliquer les massacres qui se perpétuent depuis 1988, les auteurs rappellent les conditions de la colonisation en 1830, qualifiées de logique génocidaire ayant fait au moins 700 000 victimes. Ensuite la guerre d'indépendance de 1945 à 1962 provoqua 300 000 morts. Enfin la « sale guerre des généraux éradicateurs » de 1988 à nos jours a déjà provoqué 200 000 victimes, des milliers de disparus, des milliers de personnes déplacées ou exilées.

Les auteurs n'hésitent pas à mettre en cause l'armée française et ses pratiques : ses techniques de faux maquis, d'infiltration, de torture, de guerre psychologique, etc., qui serviront de référence à la Sécurité militaire algérienne dans ses propres opérations ultérieures de manipulation, de terreur, de massacre. Mais le Front de libération nationale n'est pas innocent non plus. En effet les déserteurs de l'armée française (appelés les DAF) incorporés au FLN deviendront par la suite les principaux acteurs de la « sale guerre » : les généraux du clan Belkheir.

Les journalistes rappellent la méthodique liquidation des opposants, la conquête du pouvoir et le coup d'état d'Houari Boumediene en 1965 appuyé par l'armée de l'extérieur cantonnée au Maroc et en Tunisie. Par la suite le réseau développé par Larbi Belkheir finira par s'imposer en s'emparant de postes de décisions importants, comme la sécurité militaire. Il instrumentalisera le Front islamique du salut, utilisant tout d'abord la victoire de ce dernier aux élections municipales de 90 pour faire peur, et ensuite pousser au développement des Groupes islamistes armés, justifiant ainsi l'état de siège auprès de l'opinion publique internationale. Larbi  Belkheir, dont personne ne parle jamais, réussit à être l'homme fort du régime sans jamais ou presque, devoir sortir des coulisses.

Les auteurs du livre restent nuancés : ils n'affirment nulle part que tous  les islamistes sont des agents du pouvoir. Néanmoins ils prouvent, documents à l'appui, que la Sécurité militaire a infiltré les GIA, et qu'elle a créé de toutes pièces des maquis prétendument islamistes (les plus barbares en toute logique).

Ils dénoncent également la complicité de l'État français et de ses services de renseignements, qu'il s'agisse de traquer ou de permettre l'assassinat en France d'opposants au régime, ou de désinformer l'opinion (par exemple en France, les attentats et les agissements dits islamistes – divers attentats dont celui du RER à Paris, ainsi que certains enlèvements d'otages au Liban – étaient en réalité téléguidés par la Sécurité militaire algérienne qui faisait pression sur l'État français pour qu'il continue à collaborer dans la répression des opposants). 

Rompant aussi avec l'opinion courante, ce livre nous rappelle que les accords militaires entre la France et l'Algérie n'ont jamais cessé depuis 1962. En effet, les 4 centres d'essais atomiques dans le Sahara ont été maintenus jusqu'en 67, le centre d'essais B2 Namous pour les armes chimiques et biologiques jusqu'en 78, le tout protégé comme il se doit par l'armée algérienne… des exemples flagrants de raisons d'États qui savent s'entendre pour entretenir des outils de terreur et de domination.

 

Malgré son aspect résolument didactique, voire journalistique, nous considérons qu'il s'agit d'un livre de fond, l'un des rares qui méritent d'être lus sur le régime algérien actuel.

 

Syndicat intercorporatif de l’Essonne

(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – janvier/février/mars 2005 n° 197) Imprimer