Appel à solidarité avec des manifestants chômeurs en Argentine
Nous avons reçu la demande de soutien suivante de la Fédération Ouvrière Régionale d’Argentine (FORA) datant de décembre 2004 : depuis le 4 septembre 2004, 6 travailleurs sans emploi de la localité de Caleta Olivia (3 femmes et 3 hommes) sont détenus pour avoir réclamé du travail. Il n’y a pas de preuve montrant un lien entre ces personnes et les graves délits qui leur sont reprochés, et ils sont maintenus en prison dans des conditions déplorables. À ce jour, l’une des femmes est en détention à domicile, sous procès judiciaire. La situation reste grave et les autres prisonniers sont très isolés.
Le lieu. Caleta Olivia est une localité de la province de Santa Cruz, de 40 000 habitants. C’est une région pétrolière parmi les plus riches du Sud argentin, avec une population appauvrie par un fort taux de chômage. Les revendications. Le 19 août 2004 quelque 400 personnes, en majorité des femmes, réclamèrent un « travail authentique » devant la municipalité, et quelques jours plus tard, se rendirent sur la plage des tanks du consortium d’entreprises pétrolières Terminales Maritimas Patagonicas (Termap). Les patrons de Termap sont les patrons du bassin du golfe San Jorge : à la présidence, Repsol-YPF ; à la vice-présidence, Pan American Energy ; et le 3e siège est occupé par Tecpetrol, surnom pétrolier du groupe Techint. Au directoire, siègent entre autres British Petroleum, Repsol, Halliburton. Termap reçoit des multinationales exploitant la zone de Patagonie un volume moyen de 1 250 000 m3 de pétrole brut par mois. La répression. Les manifestants signèrent un accord avec le Sous-Secrétariat du Travail de la province de Santa Cruz, qui promit 500 postes de travail et les assura de l’absence de représailles. Cependant, dans la nuit du 4 septembre, alors que les tribunaux étaient fermés, les citations prononcées par le juge Marcelo Bailaque, du Tribunal provincial d’instruction no 1 de Caleta Olivia, devinrent effectives : 21 mandats d’arrêt, dont 15 exécutés par la police. Les personnes ont été emmenées de chez elles brutalement et sans explications. Les détenu(e)s. Ils sont 6 : Elsa Orosco (28 ans), Selva Sanchez (32 ans), Marcela Sandra Constancio (28 ans), Mauricio Perancho, Federico Mansillo et Hugo Iglesias. Trois hommes et trois femmes que l’on accuse d’être les cerveaux et les organisateurs de la protestation. Les femmes ont agi en tant que porte-paroles des manifestants, élues en assemblée. Comme il n’y a pas de maisons d’arrêt pour femmes à Caleta Olivia, elles sont emprisonnées dans un commissariat. L’une d’elles a 6 enfants dont un handicapé ; une autre a un bébé qu’elle ne peut allaiter et la 3e, deux enfants restés sous la garde de voisins car ils n’ont pas de famille. « Dans le commissariat no1 de Caleta, nous sommes 3 dans une pièce de 3 mètres sur 2. En une semaine, nous n’avons eu qu’un seau d’eau chacun pour nous laver », écrit dans une lettre ouverte Iglesias, qui, au moment de son arrestation, suivait un stage de formation pour entrer dans l’industrie pétrolière : il avait obtenu un poste de travail lors d’une précédente manifestation et n’avait même pas participé à celle d’août. Les femmes font actuellement une grève de la faim et ont été hospitalisées. Les accusations. « usurpation avec empêchement de fonctions publiques », « privation illégitime de liberté et dommages », « usurpation », et « obstacle à l’activité économique ». Les preuves. Mansilla et Iglesias s’étaient seulement approchés du lieu [de la manif : NDT] par solidarité. Les preuves sur lesquelles se base le tribunal sont les rapports et les photos de filature (non des photos in situ, mais scannées à partir d’autres sources), effectués par une unité spéciale de la police de la zone qui agit en civil. La justice. Si leur libération n’intervient pas bientôt, ils risquent de rester plusieurs années en prison, jusqu’au jugement oral des affaires. Il semble que la procédure ne sera pas rapide. Très bientôt, le juge Bailaque va avoir un examen au Conseil de la Magistrature pour être promu à la Chambre pénale de Caleta Olivia. Si cela se confirme, quand les affaires viendront devant cette instance, il devra s’excuser et cela prolongera d’un certain temps la définition de cette instance d’appel. S’ils sont condamnés, les 6 détenu(e)s pourraient passer jusqu’à 16 ans en prison. Les inculpés. En plus des personnes détenues, cette revendication de postes de travail a laissé plus de 60 inculpés accusés de participation [nécessaire ?]. C’est le cas de personnes qui se sont approchées en signe de solidarité, ou de parents et voisins qui apportaient de l’eau et du pain aux manifestant(e)s. Dénonciations de tortures. Au petit matin du samedi 2 octobre, une violente répression effectuée par la Gendarmerie a fait plus de 40 arrestations parmi les personnes qui manifestaient pour exiger la libération des 6 détenus. Elles ont été libérées au bout de 48 heures. L’une des femmes arrêtées par la police s’est plainte d’avoir été obligée de se dévêtir dans une petite pièce de la prison locale et d’avoir été menacée de viol par des officiers. L’un des hommes s’est plaint d’avoir été soumis par les officiers à ce qu’on appelle le « sous-marin sec ». Ils ont été déposer plainte devant le Ministre public local, accompagnés par Nora Cortiñas, de l’organisation Mères de la Plaza de Mayo Ligne fondatrice, qui est venue spécialement à Caleta dès que la nouvelle des arrestations massives a été connue.
Pour exiger des magistrats intervenant dans l’affaire qu’ils libèrent les prisonniers, vous pouvez écrire à : Tribunal superior de Justicia de Santa Cruz Doctor Ricardo Alberto Napolitani
Mél : tsjsc_protocolo@speedy.com.ar Juzgado de Instruccion no 1 de Caleta Olivia Juez Marcelo Martin Bailaque Fax : 00 54 0297 4851302
FORA, transmis par le syndicat intercorporatif de Montpellier
(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – avril/mai 2005 n° 198)