Aux origines du 1er mai


L’initiative d’un 1er mai de luttes et solidarités fut prise... aux États-Unis. À l’occasion, en 1884, du congrès de l’American Federation of Labor (AFL) à Chicago, est lancée pour la première fois dans l’histoire du mouvement ouvrier l’idée d’organiser une manifestation un 1er mai, jour de renouvellement des baux de location et des contrats de travail, pour obtenir la journée de 8 heures : « Une demande concertée et soutenue par une organisation complète, produirait plus d’effet que le vote de milliers de voix dont la mise en vigueur dépendra toujours du bon plaisir des politiciens... » (déclaration de Franck K. Foster, secrétaire du comité législatif de l.AFL). Les congressistes ambitionnent d’atteindre leur objectif le 1er mai 1886.

Lutte de classe à Chicago...
Le 1er mai 1886, la grève générale paralyse 12 000 usines, est suivie par plus de 340 000 salariés à travers les États-Unis. À Milwaukee, devant l’ampleur de la manifestation, les autorités envoyèrent des renforts de police. La foule exaspérée leur jeta des pierres, et les policiers tirèrent... neuf personnes tuées.
À Chicago, une gigantesque manifestation se déroula dans le calme malgré les provocations policières. Mais le surlendemain un meeting de 7 000 à 8 000 grévistes se tint près des usines de machines agricoles McCormick, en lutte depuis le 16 février, afin de conspuer les jaunes embauchés par leur patron. Ils se heurtèrent aux forces policières et aux équipes de détectives armés employés par McCormick. La foule dut s’enfuir, laissant sur place six morts et une soixantaine de blessés. Le 4 mai, les groupes anarchistes organisent un rassemblement au Haymarket square, où 15 000 personnes sont présentes. Alors que le meeting, après les prises de parole de Spies, Albert Parsons, Fielden (militants anarchistes), touche à sa fin et sans aucune anicroche, et que la foule se disperse sans débordements, les policiers foncent sur les manifestants restants pour les disperser. Là une bombe, apparemment lancée du côté des manifestants, explose au milieu de policiers, dont deux furent tués sur le coup et six devaient mourir des suites de leurs blessures. Ce fut le signal d’une panique folle et d’une bataille plus terrible que celle de la veille. Les policiers, avec des renforts, ouvrirent un feu nourri sur la foule encore présente. Le MASSACRE fut épouvantable, mais il est impossible d’en établir le douloureux bilan.

Justice de classe
Pour compléter cette répression sanglante, Chicago fut décrétée en état de siège, et la population se vit interdire l’accès des rues pendant la nuit. La troupe occupait même certains quartiers pendant plusieurs jours. De nombreux militants syndicalistes et/ou anarchistes furent arrêtés. L’instruction retint comme prévenus Neebe, Fischer, Schwab, Lingg, Engel, Parsons, Spies, Fielden (tous militants anarchistes). Pourtant seuls les trois derniers étaient présents à Haymarket le soir du 4 mai. Une parodie de procès s’ensuivit en juin 1886 (quelle rapidité !!! ), où se mêlèrent faux témoignages organisés par le minist ère public, jury aux ordres (979 noms épluchés et deux semaines et demi pour choisir les jurés), tout cela pour aboutir à un jugement de classe et sans que la moindre preuve de la culpabilité des accusés soit apportée. La sentence, rendue le 20 août 1886, condamnait les huit accusés à la pendaison. Toutefois, une mesure de grâce intervint pour Schwab et Fielden, dont les peines furent commu ées en prison perpétuelle, et pour Neebe, qui s’en tira avec quinze ans de prison. Lingg se suicida dans sa cellule. Le 11 novembre 1887 avant midi, dans la cour de la prison, Spies, Fischer, Engel et Parsons furent pendus, cependant que, aux abords et dans les rues environnantes, des cordons de troupe contenaient la foule. Près de 500 000 personnes se pressèrent aux obsèques des « martyrs de Haymarket ».
En 1888, le congrès de l.AFL décida de consacrer chaque année la journée du 1er mai comme journée de lutte. Décision adoptée par le congrès de l’Internationale Socialiste en 1889, et étendue au niveau international.
En 1893, la révision du procès reconnut l’innocence des huit inculpés ainsi que la machination policière et judiciaire. Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l’un des condamnés, Augustin Spies : « Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ».

D’après Henri Amadéi, « Syndicalisme de luttes aux USA depuis les origines du 1er mai », novembre 2004
(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – avril/mai 2005 n° 198) Imprimer