Précarité
et flexibilité : les 2 piliers du salariat
Le Capitalisme se fonde sur
le salariat qui permet à une classe dirigeante de s'enrichir en exploitant le
travail des classes laborieuses au nom du sacro-saint droit de propriété :
du capital, des machines… Les richesses sont accaparées par ceux qui contrôlent
l'unité de production au lieu d'être redistribuées à ceux qui les produisent.
Le salariat, c'est le vol !
Le
Capitalisme moderne doit s'adapter à de nouvelles contraintes dans la quête de
profits : concurrence accrue avec l'émergence de nouveaux pays
industrialisés, développement des services, optimisation des bénéfices avec un
fonctionnement à « flux tendu », recul de la conscience de classe des opprimés…
La
précarité et la flexibilité sont devenues les piliers du système en permettant
de renforcer l'exploitation des travailleurs : la flexibilité de la
main-d'œuvre permet de préserver les profits en cas de crise ;
l'instabilité des emplois favorise la limitation des salaires ; la précarité
permet de museler les travailleurs exploités par la crainte de perdre leur
emploi. La précarité c'est aussi l'incertitude du lendemain, la fragilité des
droits réels de la classe ouvrière et des conditions de travail si facilement
remis en cause par l'État et le Patronat.
13,3 %
des travailleurs, soit 3 millions de personnes, occupent un emploi
précaire : CDD, intérimaires, apprentissage, contrat aidé 1.
En 10 ans, les CDD ont augmenté de 60 % et les emplois intérimaires de
160 % 2. Le Patronat préfère recruter une
main-d'œuvre corvéable à souhait, sans possibilité d'avancement, jetable s'il
faut accroître les profits ou simplement les préserver (idée avancée dans le
projet de loi sur la cohésion sociale), malléable car totalement à sa merci.
Les
agences d'intérim en profitent pour s'enrichir sur le dos des plus fragiles en
jouant les marchands d'esclaves. Environ 600 000 travailleurs sont employés à
travers ce système dans lequel les règles sont simples : tu es réputé
docile, tu acceptes n'importe quoi sans broncher et tu viens régulièrement
quémander humblement ; alors tu peux espérer décrocher un contrat. Si tu
ne files pas droit, il n'y aura rien pour toi. En 2003, le marché du travail
intérimaire représentait un chiffre d'affaires de 17,7 milliards d'euros
(contre 3 milliards en 1986 et 19 milliards en 2001). Le nombre d'agences
dépasse les 6 000 après une hausse de 4 % en un an 3.
17 %
des salariés travaillent à temps partiel contre 8 % il y a 30 ans. Parmi
ceux-ci, le sous-emploi concerne 1 260 000 personnes en 2004, dont les 3/4 sont
des femmes, soit 60 000 de plus qu'en 2003. Près de 30 % des salariés à
temps partiel le sont donc non par choix personnel, mais par contrainte imposée
par le Patronat. 1
Le
Patronat souhaite voir disparaître la sécurité de l'emploi que représentent les
CDI. Les rapports Virville et Camdessus proposent de les remettre en cause pour
favoriser des contrats limités dans le temps, par exemple à une mission
ponctuelle. Vive les « salariés- kleenex » !
L'état
donne l'exemple en favorisant les emplois précaires : un tiers des
salariés de la Poste n’est pas fonctionnaire, 30 % de la fonction publique
territoriale sont composés de non-titulaires, 20 000 aides-éducateurs sont
remerciés sans scrupule, le Conseil d'état propose de revoir le statut des
fonctionnaires dans son rapport 2003, les gouvernements de Gauche et de Droite
qui privatisent les entreprises publiques contribuent au développement des
contrats les moins sûrs pour les travailleurs… Le secteur public comptabilise
plus de 660 000 emplois précaires (CDD, stagiaires, contrat aidé) 4.
Le
RMA et le CI-RMA sont des sous-emplois précaires, limités à 18 mois, payés au
SMIC horaire, mais en échange l'entreprise perçoit une somme équivalente à
l'allocation du salarié. La valse des étiquettes : de CDI à CDD, puis
ASSEDIC, ASS, RMI pour finalement déboucher sur le RMA, a pour but de permettre
aux patrons de disposer d'un réservoir de travailleurs contraints d'accepter
n'importe quel emploi sous-payé et de casser le coût du travail. La réduction
des périodes d'indemnisation des chômeurs entrée en vigueur au 1er janvier
2004 : 600 000 personnes devraient être évincées des ASSEDIC d'ici à la
fin de l'année 2005 selon l'UNEDIC 5, et le projet de
limiter dans le temps les droits à l'ASS (suspendu et non abrogé par le
Président) contribuent au développement des RMIstes (1,2 million de personnes
avec une hausse de 9 % en 2004) qui pourront devenir des super-exploités
au RMA.
2,8
millions de personnes sont au chômage, sacrifiées sur l'autel du capitalisme
qui s'appuie sur l'accumulation des profits pour les possédants et non la
satisfaction des besoins des populations. Si le taux de chômage a franchi la
barre symbolique des 10 % de la population active, les calculs oublient de
nombreux demandeurs d'emplois : 1,7 million de personnes sont inscrites à
l'ANPE sans être reconnues comme chômeurs au sens du Bureau International du
Travail. Quel espoir pour les 1 136 000 chômeurs sans emploi depuis plus d'un
an, dont 550 000 le sont depuis plus de 2 années ? 4
Réduction
des moyens de subsistance des exclus : réduction des périodes
d'indemnisation des chômeurs, contrôle et sanctions accrues contre ces derniers
« grâce » au Plan Borloo, réforme de la CMU (dont dépendaient 4,6 millions de
personnes au 1er janvier 2004 selon le Ministère des Affaires sociales) et de
l'AME (couverture médicale pour les sans-papiers) par la loi de finances 2004,
révision du statut d'intermittent du spectacle, limitation dans le temps des
droits à l'ASS…
La
réforme des retraites laisse présager de graves difficultés de subsistance pour
les travailleurs qui ne pourront atteindre 40, puis 41 annuités en attendant de
trimer toujours plus longtemps. Or la remise en cause de la répartition sera
difficilement compensée par la capitalisation, car les salariés ne peuvent
guère épargner quand leur pouvoir d'achat diminue : le Salaire Mensuel de
Base a reculé de 0,3 % en 2003 6, et encore de 0,2
point au dernier trimestre de l'année 2004 7.
1
million de travailleurs sont considérés comme pauvres et 1 SDF sur 3 occupe un
emploi selon une enquête de l'INSEE datant d'octobre 2003. 8
Le
salariat ayant pour fonction d'enrichir les patrons, ne permet pas toujours aux
travailleurs d'échapper à la misère. La moitié des salariés à temps plein
touche un salaire net inférieur à 1455 euros mensuels et 90 % moins de
2909 euros. 9
3,6
millions de personnes vivent officiellement en-dessous du seuil de pauvreté.
Mais si l'on utilise les critères de calcul européen (60 % du salaire
médian au lieu de 50 %), notre pays compte plus de 7 millions de
pauvres. 10
Les
statistiques officielles oublient certaines catégories comme les SDF ou les
ménages d'étudiants, ainsi près de 7 % des personnes pauvres en France. En
outre, le système de calcul ne tient plus compte des revenus du patrimoine,
tels les revenus monétaires de la propriété qui ont augmenté de 202 %
entre 1988 et 2002. Les inégalités sociales sont donc minimisées. 11
3
millions de personnes sont mal logées selon le Conseil économique et Social.
Pour 6 millions de personnes, il manque un élément essentiel du confort (salle
de bain, chauffage, wc intérieur...) d'après la Fondation Abbé Pierre. 12
Le
nombre d'expulsions de locataires a augmenté de 123 % en 5 ans. 13
La
misère et la précarité ne sont pas une fatalité, mais une condition à
l'enrichissement des nantis. Si le Produit Intérieur Brut augmente sans cesse
pour dépasser les 1500 milliards d'euros par an, les richesses sont accaparées
par les classes possédantes. Entre 1982 et 2002, la part des salaires bruts (y
compris cotisations patronales) dans la répartition de la valeur ajoutée des
entreprises a reculé, passant de 73,2 % à 65,3 % 14
. Le poids des salaires s'est réduit en faveur de celui des profits capitalistes.
La lute conte la précarité implique une mobilisation de l'ensemble des
travailleurs contre leurs exploiteurs communs.
Pour
s'en convaincre, il suffit d'observer les résultats du référendum sur la Constitution
européenne. Les Français ont rejeté ce texte pour clamer leur ras-le-bol du
système qui favorise la précarité. Ce camouflet montre que le mécontentement
est grand et que nos dirigeants n'arrivent plus à embobiner si facilement les
masses. Cependant, par son absence d'incidence, il révèle aussi l'incapacité
des scrutins à faire évoluer les choses.
Le
gouvernement ne tient nullement compte du message et l'opposition ne sait pas
comment l'utiliser car elle reste en décalage avec les aspirations de la
population. Les premiers actes du nouveau gouvernement sont un pied de nez aux
électeurs qui seront toujours floués : « oui » ou « non », on fait ce qu'on veut !
De
Villepin propose de renforcer la précarisation des emplois par un « contrat
nouvelle embauche » pour les entreprises de moins de 20 salariés, correspondant
à une période d'essai de 2 ans, dite « période de consolidation de l'emploi
» 15.
L'employeur peut renvoyer le salarié concerné avec des « formalités
simplifiées » (par simple lettre recommandée) et une modeste indemnité.
Celle-ci a été accordée contre l'extension de ce dispositif au-delà des
entreprises de moins de 10 salariés. Le Patronat ne cache pas sa joie de voir
ainsi se multiplier les emplois kleenex 16.
Breton
nous explique qu'il faut, selon lui, travailler plus et plus longtemps :
allongement du temps de travail, bosser après 65 ans, cumul emploi-retraite et
surtout se déplacer dans tout le pays pour trouver un emploi. Le chômage, c'est
donc la faute de ces feignasses de chômeurs qui refusent d'abandonner leur
famille, leurs racines, pour occuper des boulots dans des conditions si
pourries que personne n'en veut ! 17
Les
élections ne changent décidément rien. L'amélioration de nos conditions
d'existence passe par l'organisation de luttes sociales rassemblant l'ensemble
des masses. Reste à battre le fer tant qu'il est chaud pour ne pas laisser la
colère se transformer en résignation.
Syndicat intercorporatif de Châteauroux
(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – août / septembre 2005 no 200)
1 - INSEE, Enquête sur
l'emploi 2004.
2 - E. Perrin, Chômeurs
et précaires au cœur de la question sociale, La Dispute, 2004.
3 - Rapport économique
et social annuel 2003 du Syndicat des Entreprises de Travail Temporaire (http://www.sett.org)
4 - INSEE, Enquête sur
l'emploi 2004.
5 - AFP, 265 000
chômeurs avaient été exclus en janvier de l'assurance chômage, 15 avril 2004.
6 - « Avec
l'inflation, le salaire net moyen a reculé de 0,3 % en 2003 », Le Monde, 16 mars 2005.
7 - « Le pouvoir
d'achat des salariés a reculé fin 2004 », Les Dernières Nouvelles
d'Alsace, 26 mars 2005.
8 - « Travailleurs sans
logis », Le Monde, 9 novembre 2004.
9 - INSEE, mars 2005,
Données sur l'année 2003.
10 - « La définition du
seuil de pauvreté », Le Monde, 17 octobre 2004, qui reprend le
Rapport 2003-2004 de l'Observatoire
National de la Pauvreté et de
l'Exclusion Sociale.
11 - Réseau d'Alerte
des Inégalités, http://www.bip40.org .
12 - « La crise du
logement touche plus de 3 millions de Français », La Nouvelle République,
28 janvier 2004.
13 - « La pauvreté
touche d'abord les femmes, les jeunes et les étrangers », Le Monde, 16
octobre 2004.
14 - OFCE, L'économie
française 2004-2005, La Découverte.
15 - « Les contours du
contrat nouvelle embauche se précisent », http://www.l'entreprise.com/,
20 juillet 2005 (http:/www.lentreprise.com/actu).
16 - « Les députés de
la majorité sont peu convaincus par le plan Villepin pour l'emploi », Le
Monde, 29 juin 2005.
17 - « M. Breton revoit
à la baisse ses prévisions de croissance », Le Monde, 21 juin
2005.