Peut-on vivre à l'ombre d'une centrale nucléaire ?

 

Le 17 janvier 2004 avait lieu à Paris une manifestation anti-nucléaire nationale pour l'opposition au projet de construction de l'EPR 1. Des « libertaires » (AL, CNT Vignoles et AIT, OCL, FA, OLS) décidèrent de se rencontrer après la manifestation pour poursuivre ou plutôt faire renaître le combat anti-nucléaire.

L'absence notable de membres de la FA, à défaut de représentants mandatés, n'ébranla pas les plus convaincus de l'importance de créer une dynamique qui ne soit pas inféodée au réseau Sortir du nucléaire, dénoncé comme marchepied électoral pour les partis écologistes et gauchistes.

Plusieurs rencontres et discussions permirent d'élaborer une ligne de démarcation entre ceux qui papillonnent sur le nucléaire comme sur n'importe quelle autre lutte, sans voir les implications policières et militaires d'une « société nucléaire ».

Une implication réelle d'individus ou de collectifs de base agissant localement permit enfin de se séparer des néo-révolutionnaires fantômes.

Ces rencontres aboutirent en juin à la sortie d'un texte de présentation qui, bien qu'avec des inconvénients dus à sa densité, a le mérite de clarifier nos positions et d'amorcer une stratégie d'actions.

Voici quelques extraits du texte disponible dans son intégralité aux syndicats participant au collectif dont l'Essonne (CNT-AIT, BP 46, 91103 Corbeil cedex), ou Amiens (CNT-AIT, 151 rue Dejean, 80060 Amiens cedex 09).

« La base minimum d'accord pour la constitution de cette coordination fut le refus des buts et des méthodes du Réseau pour sortir du nucléaire, qui, dans la régression actuelle, voudrait se présenter comme « le » mouvement anti-nucléaire et « la » voie réaliste pour une sortie à terme.

à l'opposé de ce réseau-lobby notre minimum d'accord implique :

d'œuvrer pour une sortie immédiate et inconditionnelle du nucléaire, aussi légères que soient nos force et faibles les chances de voir se réaliser cette exigence – pourtant minimale devant la folie que constitue une prolongation de cette industrie, quelque forme qu'elle prenne ;

la défense impérative de notre indépendance et le refus de toute complaisance avec quelque appareil politique que ce soit – puisque aussi bien tous sans exception peuvent être qualifiés de nucléaristes et ont généralement œuvré activement pour imposer cette industrie à la société ;

un mode de fonctionnement basé sur la libre association, la prise de décision en commun et le contrôle strict de toute délégation de pouvoir. Bref, le refus de la séparation entre organisateurs et piétaille militante juste bonne à manifester devant les médias, voire entre dirigeants et activistes professionnels.

Notre but n'est pas d'acquérir une « pseudo-représentativité » comme lobby, en multipliant les signatures ou les adhésions formelles, mais de défendre des idées et une critique que chacun puisse s'approprier par lui-même.

De tels principes de fonctionnement ont porté dans l'histoire le nom de démocratie directe…

Une des raisons les plus fondées de refuser le nucléaire reste la menace d'une catastrophe majeure que fait courir la poursuite de cette industrie…

La probabilité d'une catastrophe majeure en France ne va cesser de croître dans les années qui viennent avec la décision de prolonger de dix ans la vie des centrales…

Et c'est pourquoi la revendication de sortie du nucléaire en vingt ou trente ans est particulièrement inconséquente…

Mais la probabilité d'un accident majeur n'est pas la seule raison d'arrêter immédiatement l'industrie nucléaire. Le fonctionnement normal du nucléaire (sans catastrophe majeure) est inséparable de conséquences sanitaires catastrophiques : pollution par le fonctionnement des centrales, production suicidaire de déchets, avec parmi ceux-ci les centrales elles-mêmes après leur arrêt…

La technologie nucléaire et son déploiement ont aussi, en-dehors de leurs implications sanitaires, des conséquences politiques et sociales, et des effets sur les consciences absolument opposés à toute aspiration à la liberté et à la dignité humaines, ou à la recherche d'une autonomie individuelle et collective réelle…

Dans le monde qu'ont produit la société industrielle et chacune de ses technologies depuis un demi-siècle – et dont le nucléaire est une espèce de concentré, de forme idéale – la soumission de chacun aux impératifs de l'économie, à ses faux besoins, à sa propagande, a substitué la satisfaction des petits caprices du consommateur à la liberté véritable, et a fait ou-blier la différence entre les besoins et les désirs authentiques, et les envies manipulées pour les marchandises et les gadgets.

Au-delà du redoutable cas particulier du nucléaire, c'est en fait la question des besoins réels propres à une société qui se trouve au cœur de notre démarche critique. Si nous sommes opposés au nucléaire et à son monde, c'est parce que nous considérons que seule une société en mesure de définir ses propres besoins en dehors de toute considération mercantile et de tout fétichisme technique pourrait être réellement libre…

Devant cette situation, les écologistes d'état et leurs dupes mettent systématiquement en avant de prétendues alternatives techniques au nucléaire…

En l'absence d'un profond bouleversement de la société, de son mode de production, et du mode de vie de chacun, bref en l'absence d'une révolution, il n'existe tout simplement pas d'alternative technique au nucléaire qui soit satisfaisante sur le plan écologique... »

Un an et demi après le début de nos discussions, le Collectif Contre la société nucléaire existe, a produit une affiche 2, a réalisé des réunions publiques avec projection de films 3. Le Collectif rassemble des anti-nucléaires, pas forcément « libertaires », et a déjà réalisé quelques actions sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.

Pour contacter le Collectif contre la société nucléaire vous pouvez écrire aux adresses déjà citées plus haut.

 

Michel W., Syndicat intercorporatif d'Amiens

(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – octobre novembre 2005 n° 201) Imprimer

 

1 - EPR : réacteur de troisième génération

2 - « Le nucléaire : voie criminelle », disponible à l'adresse d'Amiens.

3 - Des débats projections ont eu lieu à Paris, Amiens, Rouen et Reims. La liste des CD ou cassettes disponibles peut être demandé au collectif de l'Essonne.