Enseignement
public : quousque tandem patientia nostra *... ?
Lors d'une réunion au lycée
Camargue [à Nîmes, NDLR] , en juin dernier, la Direction nous apprenait que le
budget prévu par le Rectorat pour chaque établissement scolaire serait
désormais « globalisé ». Notre direction soulignait alors
l'importance de nous serrer les coudes dans cette situation nouvelle et de
vivre ensemble une « solidarité » et une « autonomie financière »
obligées.
Ce
schéma plein « d'avenir » va donc logiquement se retrouver au niveau
du conseil d'administration. Comme d'habitude, face aux désirs des uns et des
autres, le petit comité « représentatif » en question votera la
répartition des assiettes. Le bien-fondé de ses critères d'appréciation
relèvera d'une « science » toujours aussi opaque : celle des
diktats de la concurrence interne et du bon vouloir des personnes influentes
dans cette chambre décisionnaire. Une pratique de cogestion pure et simple, qui
ne devrait pas bouleverser les pratiques des grandes centrales syndicales. à
moins que ceux ou celles qui siègent au CA ne soient plus en mesure de
cautionner pareilles entourloupes. Nous verrons bien...
Pour
les collègues et les équipes pédagogiques ayant envie de mener un projet qui
aille au-delà des programmes scolaires, mais qui n'obtiendront rien, il restera
après tout comme hypothèse la possibilité de faire des heures supplémentaires
non payées (mode de Pentecôte) pour aller chercher des partenaires extérieurs,
des aides dans le privé, ou encore des intervenants généreux qui se déplaceront
à leurs frais pour apporter une ouverture nourricière au projet désiré.
Nous
voici donc encore plus amenés, les uns au détriment des autres, à placer nos
petites billes afin de gratter quelques soussous, ou encore à nous imaginer en
VRP de l'enseignement, résignés à colmater vainement et gratuitement la
précarisation de la pédagogie publique (celle-ci, rappelons-le, déjà bien
rabotée par les réformes actuelles).
Cela
resterait après tout dans la logique de la flexibilité que le système capitaliste
exige de plus en plus, dans tous les secteurs... On peut en effet imaginer,
qu'à plus ou moins court terme, de nouveaux critères soient mis en place pour
l'évaluation des enseignants. Cette dernière est bien partie pour prendre en
compte ce surcroît de « dynamisme », que les experts de l'argent
mettent en relation avec les réalités de notre temps.
à
ce propos, un petit parallèle : curieusement, dans certaines disciplines,
l'inspection commence à s'intéresser, lors de ses visites, aux activités extérieures
que peuvent (que doivent !) mener les enseignants en vue de nourrir leur
travail en classe. Ces activités, lorsqu'elles existent (sous quelle forme ?)
constituent désormais un moyen d'évaluation, sans faire l'objet d'une once
d'explication (en quoi ces activités sont-elles jugées « intéressantes » ?).
Avec
très peu d'outils et le « mérite » comme moyen de « compensation »
(type d'avancement qui se profile et dont on entend parler depuis un moment),
nous sommes donc invités à faire naviguer un bateau qui ressemble de plus en
plus à une épave. Depuis des dizaines d'années, le navire aura été torpillé
directement ou tacitement par tous les pouvoirs, qu'ils soient gestionnaires,
gouvernementaux ou syndicaux, de droite comme de gauche (c'est aussi pour cette
raison que la privatisation croissante de l'enseignement va se poursuivre
allègrement un peu partout).
L'éducation
publique s'emploiera donc, avec ses faibles moyens (à l'exemple, dans les
collèges, du socle commun de connaissances... réduites) à « distraire »
le moins possible la future main-d'œuvre (corvéable et jetable), dont le
capitalisme a besoin. à ce propos, notons que pour les collèges, des
interventions de praticiens de l’entreprise sont prévues afin de conditionner
les jeunes... L'« ouverture pédagogique »
à venir est ainsi programmée. Avec La Marseillaise rechantée en primaire, voici
la messe patronale professée dans le secondaire.
Après
la quasi-disparition des TZR (titulaires sur zone de remplacement... système
fort critiquable, dont il ne s'agit pas ici d'être nostalgique), il y a bien
sûr le nouveau décret qui veut obliger les profs à remplacer leurs collègues
absents (60 heures supplémentaires maxi sur l'année, pas plus de 5 heures par
semaine ; principe du volontariat d'abord, désignation ensuite à partir de
janvier 2006). On imagine la sainte-culpabilité qui risque de contaminer les
collègues si nous nous soumettons à cette obligation... En outre, ces heures de
remplacement, qui pourront être prescrites 24 heures à l'avance, transformeront
l'enseignement en un réel bricolage (c'est aussi le début de la
dépersonnalisation de la pédagogie). Les chefs d'établissement verront alors
leur pouvoir augmenter et deviendront de fait des DRH.
Une
mesure qui (comme la journée de boulot en plus, dite « de solidarité »,
pour les personnes âgées), n'a pour optique que d'augmenter le temps de
travail, de diminuer son coût (heures payées en dessous des maximas de salaire)
et de diviser les salariés.
Contre
cela, certains personnels pourront toujours commencer par répondre au
questionnaire du snepsnes/FSU (qui viserait, au prochain CA, à informer par
avance la hiérarchie du pourcentage de profs non volontaires et rétifs à ce
décret...), mais on ne peut se contenter de cocher une case sur un papier....
et de laisser certaines instances décider à notre place.
C'est
pourquoi nous encourageons surtout chacun et chacune à ignorer le volontariat
et à ne pas répondre à la désignation pour ces remplacements :
construisons alors la solidarité dans le refus pur et simple ! Une
détermination directe et collective, établie à la base, et seulement à la base,
sera toujours une force essentielle pour renverser la vapeur.
Syndicat intercorporatif de Nîmes
(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – Décembre 2005/janvier 2006 n° 202)
* Jusqu’à
quand abuseront-ils de notre patience... ?