Chômage et précarité : un fléau social
4,2 millions de sans-emploi (et oui !
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Données détaillées Unistatis, y compris ceux âgés de 57 ans dispensés de recherche d'emploi. http://www.assedic.fr/
) + 1,2 million de personnes contraintes au sous-emploi + 3 millions de travailleurs précaires (13 % des actifs
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INSEE, Enquête sur l'emploi 2004, n° 1019, mars 2005.
)... La situation de l'emploi est catastrophique dans notre pays. Le risque de perdre son emploi dans l'année a augmenté de 30 % au cours des 20 dernières années
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« La crise sociale française », Le Monde, 22 novembre 2005.
. 75 % des créations d'emploi sont des postes précaires. 40 % des demandeurs d'emploi ne perçoivent aucune indemnité car ils sont à la recherche d'un premier boulot. Ajoutons que 6 millions de personnes dépendent des minima sociaux (3,4 millions d'allocataires et leur famille)
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Drees, études et résultats n° 447, novembre 2005.
.
Les salariés sont exploités ou virés pour enrichir les actionnaires et les patrons. Quand HP jette à la rue des centaines d'employés français, ils ne touchent pas 18 millions d'euros comme l'ex-PDG Carly Fiorina, virée en février 2005
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« Wall street : patrons virés, patrons comblés » Le Nouvel Observateur, 15-21 décembre 2005.
.
Face à une situation dramatique résultant des mécanismes du capitalisme, état et Patronat enfoncent les chômeurs en les accusant de profiter des aides sociales. C'est si agréable de devoir renoncer à se chauffer en plein hiver !
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Reportage du Journal télévisé de 20 heures de France 2 du 10 décembre 2005, montrant des familles du Nord de la France contraintes de renoncer à se chauffer faute d'argent.
Changer le système ou accabler ses victimes
Ainsi, un décret du 2 août a instauré, outre la suppression de l'allocation, des réductions graduées plus faciles à appliquer pour multiplier les sanctions. En même temps qu'on met la pression sur les chômeurs, on multiplie les contrats précaires (CI-RMA, Contrat Nouvelle Embauche). L'État cherche à maquiller les chiffres du chômage tout en livrant aux patrons une main-d'œuvre jetable.
Un chômeur n'a pas le droit de refuser une formation, un emploi, un contrat d'insertion, un stage (la grève des stagiaires de novembre a pourtant mis en lumière leurs conditions d'exploitation) ou encore un entretien à l'ANPE. Pourtant, celle-ci offre parfois des emplois complètement incongrus. à Orléans, une femme de 58 ans, dont les problèmes de vision ne lui permettent pas de conduire, s'est vue proposer un CDD pour faire des travaux sur les voies publiques ou un boulot à 1 h 30 de chez elle
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« Raymonde et les étranges offres de l'ANPE d'Orléans », Libération, 24 décembre 2005.
. Le demandeur d'emploi devra apporter la preuve de sa recherche « sérieuse » de travail, mais le caractère valable de l'offre d'emploi reste particulièrement flou. Le but de la manœuvre est de forcer les chômeurs à accepter n'importe quel emploi quels que soient leur qualification ou l'éloignement. La circulaire du 19 septembre oblige les chômeurs à la recherche d'un emploi depuis 6 mois à accepter une « réorientation s'il apparaît que celle-ci est nécessaire compte tenu des caractéristiques du bassin d'emploi ».
Histoire d'accroître la pression et de favoriser les radiations, les convocations seront plus nombreuses, surtout dans les secteurs où les patrons cherchent de la main-d'œuvre : tous les 15 jours dans la restauration et le bâtiment, tous les mois à partir du 4
e dans les autres secteurs
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« Le gouvernement resserre l'é- tau sur les chômeurs », L'Huma- nité, 2 janvier 2006.
. La moitié des sorties des fichiers de l'ANPE sont dues aux radiations ou absences au contrôle qui ont augmenté de 15 % en un an
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« La baisse du chômage suscite des réactions mitigées », Lemon- de.fr, 30 décembre 2005.
.
à Noël, l'état a encore gâté les chômeurs : un décret du 24 décembre permet d'accéder à leurs fichiers fiscaux pour contrôler leurs revenus. On cherche encore à faire passer les chômeurs pour des escrocs. Une provocation révoltante pour un gouvernement qui a hésité à amnistier l'évasion fiscale
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« Les capitaux rapatriés pour- raient bénéficier d'une amnis- tie... », Le Monde, 29 août 2004.
. La moitié des chômeurs touchent moins de 850 euros et 5 % moins de 390 euros
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« Chômeurs : qui a droit à quoi ? », AFP, 9 novembre 2005.
; difficile alors de vivre sans chercher à arrondir les fins de mois. 74 % des Français estiment d'ailleurs qu'on doit disposer d'au moins 900 euros par mois
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Drees, études et résultats n° 357, décembre 2004.
. Frauder serait finalement nécessaire et légitime !
Faire payer les patrons ou les chômeurs
Accuser les chômeurs d'être des parasites permet aussi au MEDEF de réclamer des restrictions quant à leur indemnisation. Le patronat met en évidence le déficit cumulé de l'Unedic (13,6 milliards d'euros), comme si un système d'indemnisation devait être rentable, et oublie de préciser que, selon les prévisions, l'Unedic redeviendrait bénéficiaire dès 2007. Les syndicats voulaient taxer les entreprises qui abusent des contrats précaires ; une proposition qui pouvait cependant ressembler à l'achat d'un droit d'exploiter les salariés.
Finalement, les cotisations seront augmentées de 0,04 % pour tous : les salariés trinquent donc autant que les employeurs qui sont les véritables responsables du déficit.
La refonte des filières pénalisera, selon l'Unedic, 183 400 chômeurs et profitera à 18 200 autres. La suppression de la filière D (42 mois) fait basculer 48 000 chômeurs âgés vers la C (36 mois)
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« Les principaux points de l'ac- cord », Le Monde, 23 décembre 2005.
. La création d'une filière A + (12 mois d'indemnisation pour 12 mois travaillés au cours des 20 derniers) réduit l'indemnisation de 100 000 personnes qui auraient relevé de la B (23 mois pour 14 travaillés au cours des 24 derniers, contre 16 sur 26 pour la nouvelle filière B). Au total, près de 474 millions d'euros d'économie sur le dos des chômeurs ! Cette réforme permettra aussi en 2008 d'exclure du système d'indemnisation près de 29 000 chômeurs.
Le MEDEF a déjà fait payer aux intermittents une réforme de leur système d'indemnisation évitant de sanctionner les entreprises qui abusent de celui-ci. Résultat : 31 % des intermittents n'ont pas eu droit à une indemnité en 2004, contre 24 % en 2003.
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« Derrière le décor », Alternatives économiques n° 240, octobre 2005, page 63.
La France est pourtant très mal placée quant aux dépenses consacrées aux chômeurs (indemnisation et accompagnement), même si nous avons le plafond d'allocation le plus élevé (5 126 euros). Parmi les statistiques concernant l'Europe des 15, elle figure en queue de peloton : seuls 4 pays font pire. Rapporté à la richesse du pays et au taux de chômage, notre pays devrait multiplier par 2,6 ses dépenses pour arriver au niveau des Danois
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« Les chômeurs français mal traités », Alternatives économi- ques n° 242, décembre 2005.
. Il n'y a donc aucune justification au matraquage des droits des demandeurs d'emploi.
Tous précaires, tous exploités !
Si le gouvernement vante le fameux modèle de « flexsécurité » du Danemark, il oublie que dans ce pays les chômeurs sont bien mieux indemnisés. On nous concocte simplement un futur modèle français de précarité généralisée et de travail obligatoire où tout le monde sera contraint de trimer dans des conditions désastreuses et sans savoir ce que lui réserve l'avenir.
Les agressions contre les chômeurs sont ainsi accompagnées d'une politique de précarisation des emplois : essor des contrats aidés temporaires (d'avenir, d'accompagnement vers l'emploi, CI-RMA), des CNE offrant aux patrons la possibilité de licencier dans un délai de 2 ans (ils représentent déjà 11 % des créations d'emploi dans les entreprises de moins de 20 salariés
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« 220 000 CNE annoncés », Libé- ration, 30 décembre 2005.
) ou encore de l'intérim (avec + 4,4 % en septembre et + 2,7 % en octobre, on arrive à 652 000 intérimaires
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« Résultats d'octobre 2005 » (Unistatis), http://www.assedic .fr/
).
Le dumping social arrive aussi en France avec le lancement d'un site d'enchères salariales inversées (jobdealer.net). Citons par exemple une offre d'emploi pour un ingénieur en informatique : 1re annonce à 3 000 euros mensuels, on tombe à 2 000 euros à la 4
e. Une société recherche un commercial et propose 24 000 euros par an : 1
re réponse à 2 000 euros mensuels, une 2
e sous-enchérit à 22 000 euros annuels (1 833 euros mensuels).
L'avenir qui nous attend est un incessant ballet entre le statut de salarié précaire exploité et celui de chômeur harcelé.
Organisons la résistance contre la réduction des droits des travailleurs en créant des comités de lutte unissant salariés, précaires, intermittents, stagiaires et chômeurs. Unis, reprenons le fruit de notre labeur.