Les compagnons de la Section syndicale de la CNT-AIT espagnole d’Iberia (compagnie aérienne ibérique) ont raconté qu’un jour l’entreprise avait donné un avertissement à l’un d’eux. Le lendemain matin, des graffitis exigeant le retrait immédiat de cette sanction sont apparus sur tous les bâtiments de toutes les divisions de la compagnie du pays ; il y en a même eu quelques-uns hors d’Espagne. Face à cela, la compagnie a décidé de tenir compte des menaces et de retirer cette sanction ipso facto.
LA CNT-ESPAGNE possède sa plus grande section syndicale chez Iberia. « Combien sommes-nous ? Nous ne le savons pas. Si nous le savions, les cadres de la direction le sauraient aussi », disait un compagnon dans une discussion qu’il a animée à Madrid. Voilà son arme, le fait que l’ennemi ne connaisse pas le nombre d’adhérents de la section dans l’entreprise. D’après ces inscriptions, ils savent qu’il y a au moins une personne dans chaque bâtiment, mais ils ne connaissent que quelques délégués qui prennent des responsabilités (en s’appuyant sur le caractère indéterminé de leurs contrats). Le reste du travail est effectué en cachette.
L’année 2005 a été marquée par « le Plan Directeur 2006-2008 ». Iberia a atteint des records de bénéfices, mais dit vivre une mauvaise période à cause de la concurrence de compagnies de hard discount (comme Ryan Air, par exemple), qui offrent des vols bon marché. Par cette excuse, elle veut réduire les salaires et fait travailler davantage ses employés pour gagner encore plus d’argent.
On peut souligner parmi ces mesures : une perte de 10 % du salaire, 3 jours de travail annuel supplémentaire, la perte des augmentations légales tous les 3 ans (trienios) de 7 %, qui passeront maintenant à 5 ans (quinquenios) avec une réduction de leur taux à 3 %.
Comme toujours, du côté de la direction, on trouve les grands syndicats bourgeois : CCOO, UGT, USO. Et comme toujours, les travailleurs sont seuls dans leur souci de ne pas voir réduits leurs droits, déjà maigres. Mais à Iberia, beaucoup de travailleurs ont pris conscience du fait qu’il y a une autre façon de s’organiser.
L’expérience leur a démontré qu’ils peuvent se passer de ces syndicats et atteindre leurs objectifs. L’implantation de la CNT et l’appui d’autres syndicats comme la CGT, la CTA, la CISA, le SEPHA et l’Intersyndical des Canaries, ont amené les travailleurs à avoir une conscience de classe et à se mobiliser contre la réforme de leurs contrats.
Depuis le 22 décembre, ont lieu tous les jeudis des grèves, d’abord de 3 heures, puis de 6 heures actuellement, que l’on met à profit pour boycotter le fonctionnement des aéroports et pour manifester.
L’assistance à ces manifestations augmente de semaine en semaine et les protestations sont de plus en plus radicales. Quelque mille travailleurs se sont concentrés à Madrid (soutenus par de nombreux compagnons de la CNT), arrivant même à bloquer une des plus importantes autoroutes de la capitale, la « Nacional II », qui unit Madrid à Barcelone. La compagnie, de son côté, fait partir les avions sans valise, avec un préjudice conséquent pour les voyageurs. Mais même ainsi, elle est incapable de contrôler les énormes retards provoqués par les grèves.
Pendant ces grèves, l’UGT, pour sa part, a organisé un concert où elle a invité des dirigeants du gouvernement et de l’entreprise, pour diviser les travailleurs et réduire l’assistance aux mobilisations.
Si l’union entre chefs d’entreprise et syndicats bourgeois est évidente, l’union de ces deux est avec l’État aussi évidente ; en effet le 19 janvier, alors que 800 travailleurs se dirigeaient vers la rue Velazquez où se trouve le siège de l’entreprise, ils ont été brutalement attaqués par la police. Deux travailleurs ont dû être emmenés à l’hôpital et un troisième a été arrêté, frappé et a subi des humiliations dans la cellule où il a été transféré.
Mais ceci ne fera pas taire les compagnons ; au contraire, cela leur montre la nécessité de lutter contre l’autorité incarnée par des syndicats, chefs d’entreprise et politiciens. Les mobilisations continuent. Et les revendications ont été portées devant la direction. Loin de demander que la situation d’avant le Plan reste la même, les travailleurs revendiquent une égalité de droits entre les salariés à temps partiel et ceux qui ont un contrat à durée indéterminée, et jusqu.à la disparition des plus de 700 cadres de direction que compte l’entreprise. Car s’il y a trop de dépenses d’un côté, c’est à cause des vies de luxe de ces spéculateurs qui vivent du travail des autres.
Finalement, ces mobilisations ont été mises à profit pour dénoncer le conflit qui oppose la FAU-AIT (section allemande) à l’entreprise Gate Gourmet à l’aéroport de Dusseldorf : par l’information des travailleurs madrilènes de cette entreprise de la lutte de leurs compagnons et par la distribution de tracts incitant à la mobilisation par leur soutien. En démontrant que la solidarité et l’entraide sont les meilleurs moyens de lutte.
Vive la CNT ! Vive l’AIT ! Vive l’anarchosyndicalisme !