Illustration de l’« immigration choisie » : on fait venir des travailleurs au profit de nos employeurs et on brise des familles. Ces salariés jetables sont privés de droits puisqu’on n’envisage pas de les intégrer. Une double utilité des immigrés car Sarkozy espère aussi focaliser la campagne présidentielle sur le thème de l’immigration en visant un second tour UMP-FN.
Sarkozy racole les électeurs du FN, plagiant le slogan lepéniste «
La France, aimez-la ou quittez-la » en déclarant : « S’il y en a que cela gêne d’être en France, qu’ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu’ils n’aiment pas ». En ajoutant qu’« on en a plus qu’assez d’avoir le sentiment d’être obligé de s’excuser d’être Français »
1
Discours prononcé à Paris devant les nouveaux adhérents de l'UMP le 22 avril 2006.
, il fait allusion à la polémique concernant notre passé colonialiste et esclavagiste. Il faut dire que son projet de loi sur l’immigration développe une vision utilitariste des immigrés qui rappelle l’esprit de la « traite des noirs » : pillage des richesses des pays pauvres, leur main-d’œuvre, au profit de la France, sélection au profit de notre pays et non pour aider des individus désespérés, négation des droits individuels et notamment celui de vivre en famille, discrimination à l’encontre d’étrangers ne pouvant bénéficier des mêmes droits que les « nationaux ».
L’idée de Sarkozy serait de passer d’une « immigration subie » à une « immigration choisie ». Autrement dit, c’est à nous de sélectionner ceux qui nous intéressent et non plus aux migrants, risquant la mort ou désirant rejoindre leur famille, de choisir de venir chez nous. Copé, porte-parole du gouvernement, précise que « lorsqu’il y a neuf personnes qui demandent à immigrer en France, il y en a huit qui, aujourd’hui, le font pour des raisons familiales et une seule qui le fait pour des raisons économiques ». Il ajoute que le projet CESEDA vise à « rééquilibrer » cet état de fait
2
« Nicolas Sarkozy présente son projet de loi sur l'immigration », Reuters, 29 mars 2006.
. Le gouvernement martèle également qu’il faut limiter le nombre d’immigrés, multiplier les expulsions et établir des quotas, appelés « prévisions ». On peut en déduire la stratégie dégueulasse qui se profile : réduire l’immigration familiale prédominante ou encore le droit d’asile et chasser des personnes vivant en France depuis des années pour les remplacer par des étudiants et des salariés qui permettront à nos entreprises de s’enrichir aux dépens des pays pauvres.
Le gouvernement essaie de justifier cette infamie en expliquant qu’il ne fait qu’appliquer des directives européennes et imiter nos voisins. Il falsifie la réalité en oubliant de préciser que l’immigration de travail est nécessaire et doit être encouragée pour répondre à des besoins démographiques compte tenu de la faible natalité européenne. C’est ce que préconise une circulaire de la Direction des populations et migrations du Ministère de l’emploi dès janvier 2002
3
« Une rupture nette avec le pas- sé », Libération, 10 février 2006.
. Mais en aucune manière, il n’était question de sacrifier le droit des étrangers à vivre en famille ou à venir se soigner. Il omet aussi d’expliquer pourquoi il n’imite pas nos voisins, tels l’Espagne et l’Italie, qui régularisent des centaines de milliers de sans-papiers.
L’état ment encore en s’appuyant sur la crise des banlieues pour légitimer cet acharnement contre les immigrés. S’il y a bien une leçon à retirer des émeutes, c’est que la situation dans laquelle vivent de nombreuses familles, en grande partie issues de l’immigration, est inacceptable. Les immigrés sont plus durement frappés par le chômage (16,4 % d’actifs sans emploi), sortent plus souvent du système scolaire sans diplôme (10,7 % contre 6,1 % pour les autres) et accèdent difficilement à une formation continue (23 % contre 43 % pour les Français)
4
« De l’immigration subie à l’immi- gration choisie », Alternatives économiques n° 69, hors série, 3e trimestre 2006.
. L’urgence est donc d’améliorer le sort de ces populations au lieu de les stigmatiser. Mais il est plus facile pour l’état d’aller chercher des élites plutôt que d’aider des défavorisés, et plus conforme à son rôle de favoriser l’enrichissement des entreprises que d’envisager une redistribution des richesses pour réduire les inégalités sociales.
La « Droite décomplexée » version Sarkozy flatte les instincts xénophobes pour glaner des voix en jouant dangereusement avec la flamme. En face, la Gauche a abandonné le combat pour la reconnaissance des droits des immigrés parce qu’elle craignait de perdre des voix. Des familles sont ainsi sacrifiées pour des questions électoralistes et le manque de courage de politiciens qui briguent des prébendes. On sait déjà que «
les élections passent, les problèmes restent », mais il faut aussi reconnaître que «
les élections arrivent, les problèmes se multiplient ».