Il est toujours plus facile de réprimer et punir que de prévenir la délinquance en essayant de trouver des remèdes aux problèmes sociaux. Quand la précarité et la pauvreté s’aggravent
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Le dernier rapport de l’Obser- vatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale souligne une augmentation de la pauvreté (données 2003) : 7 millions de personnes sont considérées comme pauvres selon les critères européens. En 2005, le nombre de Rmistes a augmenté de 4,7 % pour atteindre 1,1 million d’alloca- taires en métropole. 6 millions de personnes dépendent des minima sociaux.
, que l’ampleur des discriminations éclatent en pleine lumière, il faut bien s’attendre à ce que rage et nécessité attisent les comportements « délinquants ». Dans son aveuglement à écraser les exclus pour préserver le système, l’État se lance dans une escalade sécuritaire affolante.
Les crèches fourmillent de délinquants en puissance !
C’est en substance l’esprit du rapport Bénisti « sur la prévention de la délinquance ». Le texte final de la commission est une version remaniée du projet initial qui avait une fâcheuse tendance à relier trop facilement ce problème avec l’immigration. Vivement décrié, ce projet a été ressorti en exploitant la « crise des banlieues ».
Le député UMP invite à traquer les signes précurseurs de la délinquance dès la crèche
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« L’étude de Jacques-Alain Bénis- ti, député UMP, prône la création d’un système de détection des si- gnes de délinquance dès la crè- che », Le Monde, 9 novembre 2005.
. Comme si la criminalité était une simple affaire de nature profonde, de prédisposition de l’individu. Un enfant qui arrache un nounours des mains d’un autre sera-t-il obligatoirement un voleur, ceux qui jouent aux cow-boys des braqueurs et ceux qui aiment s’amuser avec leurs camarades... des pédophiles !
C’est un rapport de l’Inserm, «
Trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent », publié en septembre 2005, qui sert d’alibi scientifique à ce délire inquiétant. Ce rapport souligne notamment qu’«
environ la moitié des jeunes présentant un trouble des conduites développent un trouble de la personnalité antisociale à l’âge adulte ».
On passe ainsi allégrement de l’enfant hyperactif ou ayant un caractère difficile au délinquant, de l’ado au comportement « inadapté » au criminel. Pourtant l’Inserm a mis en garde contre la «
confusion entre le trouble des conduites, qui est une notion médicale, et la délinquance qui est une notion juridique »
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« Fronde contre le « fichage » des bébés turbulents », La Nou- velle République, 11 mars 2006.
. Malheureusement, la peur et le « tout sécuritaire » sont le fond de commerce du candidat Sarkozy.
Le rapport parle également d’« héritabilité » des problèmes de comportement. On n’est pas loin de nous dire que le gène de la délinquance a été identifié... et qu’il a les cheveux crépus !
«
Cette production de l’Inserm vient donner un vernis scientifique et médical à l’approche de la délinquance du gouvernement. C’est vraiment du pain bénit pour Sarkozy ! » selon Bruno Percebois, du syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile
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« Les tout-petits pris dans le tout-sécuritaire », Libération, 28 février 2006.
. Même analyse pour Bernard Golse, chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Necker : « Personne au monde ne peut prédire qu’un enfant de 3 ans qui présente des troubles des conduites sera un délinquant douze ans plus tard. Ce saut épistémologique est inacceptable. »
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« On ne peut pas prédire qu’un enfant de 3 ans sera délinquant », Libération, 28 février 2006.
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On ne peut pas enfermer l’individu dans un schéma prédictif niant toute influence de l’environnement familial et social.
Des médecins, pédiatres, psychiatres, psychologues... ont lancé une pétition dénonçant ce dérapage qui conduira au dressage des enfants, à les gaver de médicaments (Ritaline notamment) et à surcharger les institutions médicales pour des cas qui ne devraient pas en relever. Ces professionnels dénoncent l’«
instrumentalisation des pratiques de soins dans le champ pédopsychiatrique à des fins de sécurité et d’ordre public » et le risque de voir les parents regarder avec méfiance les crèches et les écoles, de crainte d’être dénoncés.
Un lycéen manifestant contre le CPE et un enfant apprenant à lire avec une méthode semi-syllabique sont-ils de la graine de voyous ?
Ni déterminisme, ni délation par anticipation. Pour faire reculer la délinquance, luttons contre les injustices sociales et bâtissons une véritable éducation vouée à l’épanouissement des êtres.