La précarité, c’est le salariat !

Dans le cadre d’un Forum Social Local à Issoudun (36), le 21 mai dernier, des salariés des entreprises Timken (18) et Berry tapis (36) ont exposé les conditions dans lesquelles ils ont vécu un plan social au sein d’un grand groupe qui accumule les profits. Ainsi, les dirigeants belges de Berry tapis ont décidé de fermer les 2 sites dont ils disposaient dans l’Indre. Pourtant, dans le même temps, l’un d’entre eux investissait dans une autre entreprise berrichonne, Balsan. Pour le géant Timken, peu importe le sort de quelques dizaines de travailleurs dans le Cher, l’essentiel est d’amasser des bénéfices toujours plus juteux.
La mobilisation contre le CPE a mis en exergue la précarisation des salariés dans un système capitaliste fondé sur l'optimisation des profits des possédants. Dans une telle logique, tout salarié n'est qu'une variable d'ajustement dont les patrons aspirent à se débarrasser pour accroître leurs bénéfices. Le CDI n'est pas un rempart contre l'exploitation et la précarité : le 11 janvier dernier la Cour de cassation a reconnu le droit de licencier en prétextant un risque de perte de compétitivité sans avoir besoin de prouver celui-ci 1 « La justice redéfinit le licencie- ment économique », Le Monde, 15 janvier 2006. . Quelle que soit la nature du contrat de travail, les salariés peuvent être congédiés, privés de leur source de revenus parce que cela sert les intérêts de leur employeur. « Licenciements boursiers » et délocalisations sont les manifestations flagrantes de l'assujettissement de salariés jetables et corvéables à des patrons cupides ; les exemples de SEB, Moulinex ou encore HP en sont la triste illustration.
Petit tour d'horizon du quotidien des salariés et de cette épée de Damoclès, appelée licenciement, qu'on place au-dessus de leur tête pour mieux les exploiter.

Les licenciements individuels
Un patron peut renvoyer un salarié sous un prétexte bidon pour mâter une forte tête, mettre la pression sur l'ensemble des salariés ou se débarrasser d'un salarié onéreux que l'on pourra remplacer par un contrat plus avantageux. Les licenciements abusifs de salariés en CNE sont révélateurs de cette stratégie somme toute banale pour les employeurs. Combien de salariés connaîtront leurs droits et auront la détermination de se battre en justice, avec les frais que cela implique, la longueur des procédures et l'issue incertaine ?
- Deux salariés de la Cofrafer de Bonneuil-sur-Marne sont licenciés pour des raisons futiles (avoir dit bonjour à un collègue). Une trentaine de salariés se mobilisent pour demander leur réintégration et bloquent l'usine. La direction fait intervenir les forces de l'ordre et menace de licencier les grévistes pour hâter la reprise du travail 2 «  Acharnement pour licencier », L’Humanité, 4 novembre 2005. .
- L'entreprise Joskin (18) a été condamnée début juin pour le licenciement sans raison valable d'un salarié en 2004. à l'époque, l'entreprise sortait d'une grève et la direction comptait bien calmer les rebelles en faisant un exemple 3 « Joskin condamné pour licen- ciement sans raison », La Nouvelle République, 2 juin 2006. .
- En Loire-Atlantique (44), Chantal, aide médico-psychologique, est mise au pilori pour avoir dénoncé les conditions dans lesquelles sont traités les malades mentaux de la Maison départementale de Mindin 4 Voir Le Combat Syndicaliste n° 204, disponible sur http://www. cnt-ait-montpellier.org/. Lire aus- si : http://nantes.indymedia.org/ IMG/rtf/Mindin-2.rtf ; http://cnt-ait-toulouse.ehia.org/article.php3?id_ article=59 et http://cnt-ait-toulouse .ehia.org/article.php3?id_article= 40&lang=fr (voir lien en bas de page) .

Les licenciements boursiers
Des entreprises peuvent mettre sur la paille leurs salariés pour augmenter les profits des dirigeants ou les dividendes des actionnaires en réduisant la masse salariale. Quelques cas récents ont choqué l'opinion, malheureusement trop fugitivement 5 « Les licenciements boursiers s’installent », L’Humanité, 23 mai 2006. .
- Hewlett Packard a annoncé la suppression de 1 240 emplois en France en septembre 2005 alors que l'entreprise enregistre un bénéfice de 3,5 milliards de dollars.
- Dim, qui dépend d'un fonds de pension américain géré par une filiale, DBA, a annoncé la suppression d'un millier d'emplois en Europe, dont 450 en France. Il s'agit simplement de favoriser les actionnaires aux dépens des travailleurs. Il ne reste plus qu'à investir dans des établissements situés dans des régions où la main-d'œuvre est à bas coût. Licenciements boursiers et délocalisations ne sont pas incompatibles.
- EADS annonce des résultats florissants (2 milliards d'euros de profits) et augmente ses dividendes (+ 30 % entre 2005 et 2006), mais elle supprime, à travers la Sogerma à Mérignac, un millier d'emplois dans le même temps. L'état qui possède 15 % du capital n'en sort pas indemne non plus.
- à Bourges, Auxitrol, filiale de l'américain Esterline, a justifié le licenciement de 32 salariés par la préservation de sa compétitivité parce que les profits, toujours au rendez-vous, sont en léger recul. Des salariés ont porté plainte. La même société a déjà perdu un procès devant la cour d'appel de Bourges pour licenciement « sans motif réel et sérieux » alors qu'elle invoquait une « sauvegarde de compétitivité 6 « Auxitrol : des licenciements pour rester compétitifs », La Nou- velle République, 15 novembre 2005.  » .
- Le canadien Alcan a justifié la fermeture de son usine d'aluminium de Lannemezan en expliquant que « le groupe investira dans les pays où les tarifs énergétiques seront les plus attractifs, dans la perspective de toujours améliorer la création de valeur pour nos actionnaires ». Le site dégage pourtant un résultat net de 6 millions d'euros en 2005 7 « Le géant fait fondre l’emploi », L’Humanité, 26 septembre 2005. !

Les délocalisations
La procédure est simple et tristement banale : une entreprise quitte un pays ou une région pour s'installer sur un autre site où la main-d'œuvre est moins chère. Le capitalisme joue sur la mise en concurrence des travailleurs pour accroître les profits et niveler par le bas les droits des salariés. C'est le fameux chantage aux délocalisations utilisé pour revenir sur les 35 heures par exemple chez HP ou encore Bosch à Vénissieux : si vous ne trimez pas plus, on vous met sur la paille et on va exploiter ailleurs !
- Dans le Loir-et-Cher, Electrolux supprime 43 emplois pour délocaliser en Chine. Le groupe a également annoncé la fermeture d'un site de 1 750 salariés à Nuremberg 8 « 43 suppressions d’emploi annoncées chez Electrolux », La Nouvelle République, 14 décem- bre 2005. .
- Seb a prévu de supprimer 890 emplois en France pour concentrer la production en Chine 9 « Seb sabre l’emploi », Libération, 25 janvier 2006. . Forcément, quand dictature et capitalisme font bon ménage, la main-d'œuvre est des plus intéressantes.
- STMicroelectronics, entreprise franco-italienne, réduit également ses sites en Europe au profit de la Chine avec la création d'une seconde usine à Shenzhen 10 « STMicroelectronics : les syndi- cats dénoncent une politique tout-Asie », Le Monde, 25 mars 2006. . Après la fermeture de son usine à Rennes, c'est 3.000 emplois qui vont disparaître en Europe et aux États-unis 11 « STMicro, la vitrine high-tech rattrapée par la délocalisation », Libération, 18 mai 2005. .
Briser la vie de milliers de travailleurs que l'on met sur la paille pour engraisser les plus riches n'est qu'une conséquence inévitable dans un système qui privilégie la liberté d'entreprise et l'accumulation des richesses sans prise en compte de l'équité de leur distribution ou de l'intérêt des masses laborieuses. De quel droit des nantis prétendent disposer à leur guise du sort des autres sous prétexte qu'ils possèdent des capitaux tirés de l'exploitation antérieure d'autres travailleurs. Le salariat pose finalement la question de savoir si on peut acheter le droit de décider du destin des travailleurs et de leur famille. Et combien de patrons tirent leur fortune familiale du travail des enfants dans les mines, voire de la traite des esclaves ?
On ne doit plus tolérer cet état de fait qui plonge la majorité dans la précarité, l'angoisse et la soumission. Par ailleurs, rien ne sert de produire toujours plus de richesses si cela ne permet pas à chacun de vivre décemment et durablement. Le système capitaliste fonce droit dans le mur, mais laisse déjà sur le pavé bon nombre de victimes. Pour sortir de l'impasse, il faut que les masses reprennent le contrôle de l'appareil productif pour en assurer un fonctionnement équitable, sans oublier la pérennité de notre environnement. Il faut changer de mode d'organisation de l'humanité au profit du peuple en suivant l'adage de Kropotkine : « Est-ce utile à la société ? Alors c'est bon. Est-ce nuisible ? Alors c'est mauvais 12 Kropotkine, La morale anarchiste, Mille et une nuits n° 447. . » Nous devons tracer une autre voie, remettre en cause le productivisme, la domination d'une aristocratie financière sur la masse des travailleurs, les inégalités de classe et la misère :
Vive la Ré-évolution !

Syndicat intercorporatif de Châteauroux
(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – août/septembre 2006 n° 206) Imprimer

1 - « La justice redéfinit le licenciement économique », Le Monde, 15 janvier 2006.
2 - « Acharnement pour licencier », L’Humanité, 4 novembre 2005.
3 - « Joskin condamné pour licenciement sans raison », La Nouvelle République, 2 juin 2006.
4 - Voir Le Combat Syndicaliste no 204, disponible sur http://www.cnt-ait-montpellier.org/ . Lire aussi : http://nantes.indymedia.org/IMG/rtf/Mindin-2.rtf ; http://cnt-ait-toulouse.ehia.org/article.php3?id_article=59 et http://cnt-ait-toulouse.ehia.org/article.php3?id_article=40&lang=fr
5 - « Les licenciements boursiers s’installent », L’Humanité, 23 mai 2006.
6 - « Auxitrol : des licenciements pour rester compétitifs », La Nouvelle République, 15 novembre 2005.
7 - « Le géant fait fondre l’emploi », L’Humanité, 26 septembre 2005.
8 - « 43 suppressions d’emploi annoncées chez Electrolux », La Nouvelle République, 14 décembre 2005.
9 - « Seb sabre l’emploi », Libération, 25 janvier 2006.
10 - « STMicroelectronics : les syndicats dénoncent une politique tout-Asie », Le Monde, 25 mars 2006.
11 - « STMicro, la vitrine high-tech rattrapée par la délocalisation », Libération, 18 mai 2005.
12 - Kropotkine, La morale anarchiste, Mille et une nuits n° 447.