Plus de 130 jours de grève chez Mercadona

En Espagne, pour exiger la réintégration de 3 militants de la CNT-AIT licenciés par le groupe Mercadona et pour mettre fin au harcèlement d’un patron tout-puissant et répressif, le syndicat CNT-AIT de Mercadona a entamé une grève depuis le 23 mars et se mobilise quotidiennement pour assurer sa victoire !

L’entreprise Mercadona
Le Centre de logistique de Sant Sadurni d’Anoia assure, pour l’ensemble des produits commercialisés dans la chaîne, l’approvisionnement des 146 supermarchés Mercadona des régions de Catalogne, de Valence et d’Aragon. Rien que dans la province de Barcelone, cette compagnie dispose de 79 supermarchés. Le Centre de logistique de Sant Sadurni d’Anoia emploie plus de 2 000 salariés.
En février 2006, un groupe important de travailleurs du Centre de logistique s’est présenté au Syndicat intercorporatif de Barcelone de la CNT-AIT espagnole, afin d’obtenir des renseignements dans la perspective de faire face aux multiples irrégularités qu’ils constataient au quotidien. L’entreprise connaît en effet une situation d’exploitation extrême, résultant d’une « convention collective d’entreprise » signée par l’UGT (Union générale des travailleurs, antenne du parti socialiste) et le Syndicat (dit) Indépendant de Mercadona. Ces deux « syndicats » ont pour caractéristique d’être, exclusivement ou presque, composés de délégués syndicaux qui occupent – en même temps – des postes de direction dans l’entreprise. L’attitude raciste, xénophobe, de chefaillonerie omnipotente de la direction a fini par provoquer une situation de tension permanente, à la limite du conflit.
La CNT-AIT-E, qui est présente par ses militants dans toutes les équipes et tous les magasins, mène depuis longtemps le combat pour le respect des droits des travailleurs ainsi que pour leur dignité. Malgré la répression patronale, elle poursuit inlassablement une campagne d’information rigoureuse, utilisant pour diffuser ses propositions aussi bien les tableaux d’affichage de la direction, la demi-heure quotidienne de pose (non rémunérée, depuis la fameuse convention collective), la distribution de tracts dans les autobus de l’entreprise... De ce fait, des groupes de travailleurs de Mercadona se sont progressivement rapprochés de notre syndicat qui est reconnu comme une référence de lutte, d’engagement et de dignité ouvrière. La CNT-AIT-E est ainsi devenue numériquement le principal syndicat de la boîte.

La grève
C’est alors que trois compagnons de la section syndicale CNT-AIT ont été licenciés et que le secrétaire de la section a été interdit de travail pendant une semaine par la direction. En réponse, le 23 mars 2006, commençait une grève, pour exiger la réintégration des licenciés et la fin du harcèlement dans l’entreprise.
Le début de la grève a été marqué par un vaste déploiement de moyens policiers (Garde civile) dans les alentours immédiats du Centre de logistique et par le recours, de la part de l’entreprise, au recrutement massif de jaunes dans toute l’Espagne.
Cette grève présente des caractéristiques que nous n’avions pas connues depuis longtemps. Mercadona est en effet un très gros employeur aux multiples accointances, il est tout-puissant et prêt à tout pour écraser nos compagnons. Tout lui est permis, l’État régional et l’État national – la Garde civile en particulier – ne sauraient rien lui refuser. Malgré cela, la grève continue depuis quelques 130 jours au moment où cet article est imprimé.

Les actions
De nombreuses actions de solidarité ont lieu à travers tout le pays. Elles prennent pour cible les supermarchés en question.
Ainsi, le 22 juin, le Mercadona de la place de la Généralité, à Tarragone, a reçu la visite, à une heure de pointe, d’un groupe constitué de clients habituels. Après avoir bien garni leurs chariots des produits les plus divers, ils se sont présentés aux caisses en déclarant qu’ils ne donneraient plus un centime à une entreprise qui maltraite ainsi ses ouvriers. Ils ont non seulement informé de cela les caissières mais aussi les autres clients. Comme cela s’est déjà produit dans d’autres magasins lors d’actions de ce type, de très nombreux clients se sont joints au noyau initial et toutes les caisses se sont retrouvées longuement paralysées par des clients qui refusaient de payer. Pendant ce temps, dehors, un piquet de militants distribuait des tracts et accrochait une grande pancarte de solidarité.
Le 15 juillet a eu lieu une manifestation à Barcelone, à laquelle ont participé les syndicats CNT-AIT-F de Montpellier, Nîmes, Perpignan et Toulouse.
Le syndicat de Bordeaux, de son côté, a édité une affiche appelant à un rassemblement le 28 juin devant le consulat d’Espagne. En Grande-Bretagne, le syndicat de Manchester de Solidarity Federation a organisé un rassemblement devant le consulat général d’Espagne le 25 mai. En Slovaquie, le syndicat de Bratislava, de la section Priama Akcia-AIT, a fait une action le 13 juillet devant l’ambassade d’Espagne, avec des drapeaux noir et rouge et une banderole « En solidarité avec la grève de la CNT-AIT à Mercadona » et a remis une lettre de protestation à l’ambassadeur espagnol.
Il ne s’agit là que d’exemples de ce qui se fait et de ce qui peut se faire, car la campagne de boycott de Mercadona se développe de plus en plus et nous savons de source sûre que Mercadona perd chaque jour des clients.
La détermination des grévistes de Mercadona, dont beaucoup vivent de façon chronique dans la précarité et sont d’origine « immigrée », doit recevoir le soutien de tous.

Syndicat intercorporatif de Montpellier
(Le Combat syndicaliste CNT-AIT – pages confédérales – août/septembre 2006 n° 206) Imprimer

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