Le 4 octobre, les salariés de l’entreprise textile
Aubade ont appris le licenciement, prévu début 2007, de 180 personnes, sur les 283 ouvrières du département de la Vienne. Ce plan social sera réparti entre les 2 sites de Saint-Savin et de la Trimouille (53 salariés) qui disparaîtra. L’entreprise a été rachetée l’an passé par un groupe financier suisse,
Calida, qui se disait intéressé par les réussites d’Aubade et la rentabilité de ses sites.
Aujourd’hui, les véritables motivations éclatent au grand jour : se faire du pognon quitte à sacrifier les salariés en conservant un nom prestigieux, mais en délocalisant la production
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Aubade délocalise en Tunisie : 180 ouvrières vont être licen- ciées », La Nouvelle République (Poitiers), 5 octobre 2006.
. Le patron a expliqué que 95 % de l’assemblage sera délocalisé et justifie cette stratégie en mentant sur les résultats de l’entreprise. La délocalisation permettrait simplement d’accroître les profits de 1,3 million d’euros
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« Le plan social d’Aubade provo- que un traumatisme dans la Vien- ne », Le Monde, 31 octobre 2006.
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Marylène, 38 ans de boîte, résume la situation : «
Moi, j’ai tout donné ici, je suis rentrée à 16 ans. à mon sens, on est des pions. Les Suisses ont acheté la marque et leurs actionnaires veulent un retour sur investissement. Je sais que je ne retrouverai pas de travail. »
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« Chez Aubade : après la stupeur le temps de la résignation », La Nouvelle République (Poitiers), 6 octobre 2006.
Une nouvelle fois, les patrons pressurent et jettent les travailleurs pour satisfaire les actionnaires. Il s’agit d’un énième plan de licenciements boursiers car
Calida a augmenté son chiffre d’affaires (135 millions d’euros) de 61 % par rapport à l’an passé
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« Chez Aubade : après la stupeur le temps de la résignation », La Nouvelle République (Poitiers), 6 octobre 2006.
et l’action a gagné 19 %
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« Le plan social d’Aubade provo- que un traumatisme dans la Vien- ne », Le Monde, 31 octobre 2006.
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Chez les salariés, résignation et écœurement prennent un peu l’ascendant sur la rage. Les ouvrières se sont refusées à «
saloper le travail », mais ont décidé de boycotter la prime de rendement et de ralentir leur production. Les ouvrières se relaient pour empêcher le départ du matériel vers la Tunisie. Un premier camion a dû faire machine arrière le 5 octobre. Certaines expliquent que la délocalisation de la production est déjà bien entamée, mais que cela n’empêche pas la direction de placer des étiquettes
made in France sur la lingerie fine pour conserver une image de marque
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« La lingerie Aubade au 36e des- sous », Libération, jeudi 2 novem- bre 2006.
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Forcément, comme le dra-me se joue en Poitou-Charentes, la candidate Royal est un peu obligée d’intervenir en promettant de participer au blocage de l’usine 4 ! Avec acharnement, elle a pu arracher aux griffes du méchant patron… un moratoire jusqu’en décembre. Une ouvrière, dont le mari vient d’être licencié dans une autre boîte, commente laconiquement : «
Les politiques, je compte pas sur eux. Limiter la casse, comme ils le disent, on n'y arrivera pas »
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« La lingerie Aubade au 36e des- sous », Libération, jeudi 2 novem- bre 2006.
. Côté syndicat, les élus ont refusé de signer le P.V. du dernier comité d’entreprise, mais devant la faiblesse de la syndicalisation et de leur légitimité, ils risquent de devoir concéder l’organisation d’une assemblée générale
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« Les ouvrières d’Aubade ne cè- dent pas », La Nouvelle Républi- que (Poitiers), 13 octobre 2006.
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Dans la région, la solidarité s’organise, mais la mobilisation demeure modeste. Pourtant, face à cette situation dramatique et largement partagée dans le reste du pays
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Notamment dans les Ardennes où se sont déroulées des manifesta- tions pour dénoncer le sinistre économique. « Ferme mise en garde des ouvriers », Libération, 6 novembre 2006.
, il faudrait sérieusement taper du poing sur la table pour mettre un terme à ce carnage industriel. Dans le Loiret, des ex-salariés de Duralex ont dû séquestrer pendant 24 heures le nouveau directeur du site pour obtenir le versement d’une partie de leurs indemnités de licenciement
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« Prise d’otage payante à Dura- lex », Libération, 16 novembre 2006.
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Au-delà du problème de l’emploi, c’est celui du salariat et de la soumission des travailleurs aux intérêts d’une classe dirigeante de privilégiés qu’il faut poser. Il est inacceptable que l’on puisse briser des centaines de vies pour accroître les profits de quelques personnes. Face à nos adversaires, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes car l’état se placera toujours du côté des puissants : à Nouzonville (Ardennes), 240 CRS ont chargé les ouvriers de Thomé-Génot qui occupaient leur usine pour protester contre la fermeture de l’usine
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« Les CRS ont chargé, on n’est pas des terroristes », Libération, 14 novembre 2006 .
. Les manifestations de solidarité devraient se développer et réclamer la fin de ce système qui écrase les individus.