« Du jamais vu à Châteauroux »constatait La Nouvelle République
1« Les lycéens de Blaise Pascal manifestent pour aider Senjur », décembre 2006.
au lendemain d’une manifestation qui a rassemblé plus de 600 lycéens réclamant la régularisation d’un de leurs camarades. Ils ont peut-être décidé de lancer un nouveau défi : le « manifesthon », consistant à dépasser les records de manifestants.
Senjur est scolarisé au lycée Blaise Pascal de Châteauroux. Originaire de Macédoine, il a fui ce pays avec son frère aîné Démir en raison du conflit qui l’a déchiré à partir de 2001. Senjur, arrivé en 2005, a été blessé au visage à coups de couteau ; son père est resté handicapé des suites de ses propres blessures et son frère aîné, réfugié depuis 2001, également victime du conflit, dispose d’un titre de séjour. Dans de telles circonstances, on voit mal pourquoi ce qui a été accordé à l’un est refusé à l’autre, surtout si l’on considère ce que Senjur a subi et les risques qu’il encourt dans son pays. Démir a pu être régularisé car il avait décroché un emploi en CDI, donc jugé « utile ».
Comme il est majeur et que l’OFPRA a rejeté son dossier, Senjur est expulsable. La préfecture de l’Indre a simplement accepté que Senjur puisse finir son CAP électrotechnique en juin 2007… et après ? L’administration a affirmé qu’il devrait alors quitter le pays, de gré ou de force. Profondément inquiet sur son sort incertain, Senjur a déjà perdu près de 15 kilos et apparaît visiblement traumatisé selon ses amis. Dans de telles conditions, il ne lui sera pas facile de poursuivre sa scolarité et de réussir son examen. Pourtant, ses professeurs témoignent de son sérieux et de ses efforts d’intégration.
Pour les lycéens du Collectif de soutien à Senjur, il est inacceptable qu’il puisse être renvoyé dans un pays où lui et ses proches ont été brutalisés et risquent de subir des représailles. Ils ont donc décidé de se mobiliser pour obtenir la régularisation de leur camarade en faisant pression sur l’administration. Pour cela, il leur a fallu s’organiser d’eux-mêmes, sans véritable appui extérieur et avec une certaine précipitation
2Astreints à un devoir de réserve, les personnels du lycée doivent être prudents dans leur soutien au mouvement, ce qui ne les empêche pas d’y participer. Sans préavis de grève pour les enseignants, les lycéens ont manifesté quasiment seuls, accompagnés de quelques adultes, dont des profs. L’information concernant le rassemblement a dû circuler très vite dans les autres établissements : on a tiré 1.000 tracts devant être diffusés dans les autres lycées le lundi pour une manif prévue le lendemain. Si on ajoute le froid, on peut espérer qu’en cas de nouvel mobilisation, le « manifesthon » batte un nouveau record. Autre soutien logistique : un mégaphone fourni par la FSU. Le Réseau Éducation sans Frontières 36, auquel nous participons, n’a fait que relayer l’information. Parallèlement, c’est la LDH, autre membre de RESF36, qui s’occupe plus précisément du dossier juridique de Senjur. Parmi les manifestants, on trouvait des lycéens de Blaise, PMC, Jean Giraudoux ou encore Les Charmilles).
. En bref, un bel exemple d’autogestion des luttes. Des relations et des pratiques de mobilisation héritées du mouvement anti-CPE, dans lequel les lycéens castel-roussins s’étaient illustrés, ont permis la réussite de cette manifestation. Le Préfet avait prévenu qu’il serait attentif aux effectifs du cortège, il a dû être rassuré sur la motivation des lycéens.
Il reste à voir ce que ce mouvement va devenir au lendemain des vacances scolaires et compte tenu de la détermination du ministre de la Frayeur à rafler l’électorat du FN aux dépens des personnes cherchant refuge en France. On peut espérer une intensification de la mobilisation grâce au « bouche à oreille » et une diffusion de l’information concernant le cas de Senjur au sein de tous les lycées. Le renfort des enseignants et des parents d’élèves est bien sûr souhaitable, notamment à travers le concours de RESF 36. Néanmoins, il est capital que le Collectif de soutien conserve son autonomie et que les lycéens ne soient ni commandés, ni manipulés (en l’occurrence, il n’y a guère de risque que cela se produise). Comme dans toute lutte, si les principaux acteurs perdent le contrôle du mouvement, on est certain de voir la dynamique s’effondrer à force d’attendre des consignes ou de les déplorer.
Quel que soit le résultat des élections, il serait dangereux de s’en remettre au bon vouloir de décideurs tout-puissants qui n’ont guère briller par leur courage politique dans le domaine de l’immigration.
Seule la lutte paie!