Dans le courant du mois de juin, le ministère de l’Éducation nationale a annoncé la reconduction partielle des emplois précaires nouvellement créés (Emploi Vie Scolaire) : intégralement pour les aides aux directeurs/trices et aux élèves en situation de handicap, mais seulement 1 poste sur 2 dans le secondaire.
Concrètement, on a demandé à des EVS de transmettre dans l’urgence une lettre de motivation pour être maintenus sur leur poste alors que d’autres attendent toujours de savoir s’ils conserveront le leur : un splendide manque de respect généralisé ! En outre, des emplois sont bel et bien supprimés dans les collèges et lycées. La confusion règne aussi en raison de la multiplicité des statuts précaires, notamment quant au personnel non-enseignant : EVS en CAE ou CAV, AVS, Assistant d’éducation ou pédagogique. Une fragmentation destinée à diviser pour mieux faire régner la précarité : on se rassemble plus difficilement avec des situations différentes.
La prolongation d’emplois précaires est-elle véritablement une bonne nouvelle ? C’est au moins un soulagement pour les salariés conservant leur poste. Néanmoins, il reste scandaleux de recourir à des emplois précaires pour remplir des missions structurelles et indispensables, comme l’atteste le remplacement des aide-éducateurs par de nouveaux contrats. En résumé, au-delà des actions visant à la reconduction des personnels, c’est pour la transformation et la pérennisation des emplois qu’il faut lutter. Le seul aménagement possible devant être la possibilité de démissionner pour ceux qui ne souhaitent occuper ces fonctions que provisoirement.
Tentative de mobilisation à Châteauroux
Afin que le 30 juin, date d’arrêt des contrats, ne devienne chaque année une date couperet pour des milliers de travailleurs précaires, la CNT-AIT de Châteauroux a organisé un rassemblement pour réclamer la suppression de la précarité dans l’Éducation nationale.
Un appel a été envoyé par mèl dans tous les établissements, primaires et secondaires du département. Le 30 juin étant un samedi, jour de marché sur la Place de la République, le rassemblement a été fixé à 10 h 30 à cet endroit afin de toucher l’opinion.
Malheureusement, la mobilisation a été un flop : seulement 5 EVS y ont participé et 1 seul enseignant n’appartenant pas à la CNT-AIT. Il nous faut donc analyser les causes de cet échec pour essayer de faire mieux à la rentrée.
Le choix de la date, s’il était symbolique, était sans doute un peu risqué. Pas facile de mobiliser quand tout le monde, dans l’Éducation, a la tête aux vacances. En outre, les samedis libérés sont aussi l’occasion de partir en week-end et nous sommes aussi assez sceptiques sur la possibilité de mobiliser en dehors des jours de grève. Enfin, certains établissements du département et de l’agglomération travaillaient ce jour-là.
Autre écueil de taille : la diffusion de l’information. Nous avions supposé que le message serait ouvert par les EVS, chargés d’aider les directeurs d’école, et transmis dans les établissements. Il n’en a pas été ainsi, loin de là. D’abord, selon un témoignage, dans certaines écoles les EVS ne sont pas jugés suffisamment dignes de confiance pour qu’on leur confie le courrier informatique. Ensuite, on se doute bien que les courriers émanant de la CNT-AIT ont plus de chance de finir directement à la corbeille que ceux des syndicats « respectables ». Mais aucun d’eux, pourtant informés par nos soins, n’a souhaité participer à cette action.
Dernière grosse difficulté : le problème de la mobilisation des personnes précaires. Nous avons déjà constaté avec les chômeurs qu’il est dur de lutter quand on est dans la galère, préoccupé par le paiement de son loyer et de sa nourriture. De plus les EVS constituent un public particulièrement démuni quant à la défense de ses intérêts : chômeur de longue durée ou personne entrant dans la vie active, poste sans ancienneté ni expérience de ses droits, isolement et absence d’organisation, catégorie numériquement faible, résignation à la précarité qui est annoncée dans le contrat, et surtout peur de perdre son emploi si on revendique. Outre la nécessité de persévérer avant d’espérer que ces précaires croient en la possibilité de bouleverser leur statut, il est nécessaire de parvenir à sensibiliser les enseignants à leur sort… et ça n’est pas gagné d’avance !
Extrait du tract Nous exigeons le respect pour les travailleurs diffusé le 30 juin
Si l’on associe généralement le travail précaire au secteur privé, l’Éducation nationale n’est malheureusement pas en reste concernant ce fléau.
Enseignants non titulaires : Maîtres auxiliaires, vacataires ou contractuels, ils sont environ 30 000 à faire les frais d’une gestion des effectifs à « flux tendus ».
On supprime des postes et des places au concours, mais on recourt à des salariés précaires jetables pour compenser le manque de moyens.
EVS, AVS, Assistants : Après avoir viré 60 000 aide-éducateurs, l’État instaure 45 000 emplois de vie scolaire précaires (recrutement ou reconduction sous une nouvelle appellation). Des personnels chargés soit d’épauler les directeurs dans leurs tâches administratives, de favoriser la scolarisation d’élèves en situation de handicap, de la surveillance dans les collèges et les lycées, ou encore de l’encadrement d’activités pédagogiques, notamment en bibliothèque (BCD) et en informatique.
Ces personnes remplissent donc des missions indispensables et répondent à de nouveaux besoins (meilleure intégration d’élèves handicapés, insuffisance des décharges pour les directeurs, essor de l’apprentissage de l’informatique avec le B2I…).
Dans ces conditions nous jugeons inacceptable que ces emplois relèvent de contrats précaires à temps partiel imposé (de 20 h à 26 h). L’Éducation nationale exploite des salariés sans formation adaptée, sans perspective d’avenir et payés au-dessous du seuil de pauvreté ! L’État s’émeut des riches contribuables qui s’expatrient, mais laisse patauger dans la précarité des dizaines de milliers de ses salariés.
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Quel enseignement en retirer ?
L’opération n’a pas été un échec complet puisqu’il vaut toujours mieux mener une action modeste que de ne rien faire. L’idée que la précarité n’est pas une fatalité et que les emplois assumés devraient être pérennes a pu commencer à faire son chemin, toutes les personnes ayant eu connaissance de notre tract n’étant pas présentes.
L’action a été relayée dans les médias, en particulier dans le quotidien local L’Écho - La Marseillaise, dont l’article (une page quasi-entière) relate plutôt fidèlement nos propos et la situation des EVS. Cependant, dans la logique de l’action directe on aurait préféré pouvoir informer le public nous-mêmes, sans s’en remettre à autrui.
Conscients des limites de la diffusion par mèls et pour répondre à une question d’un EVS présent au rassemblement, nous avons envoyé par lettre des informations concernant la prime pour l’emploi, ainsi que le tract distribué le 30 juin, dans une trentaine d’établissements du département. A l’avenir, il nous faudra impérativement renforcer les courriers informatiques : réseau de relations, coups de téléphone, lettres…
Puisque les EVS ont été reconduits dans leur fonction, il nous restera une année scolaire entière pour réclamer la transformation de leur statut et les inviter à nous rejoindre dans cette lutte. Les revendications exprimées le 30 juin étant :
titularisation de tous les précaires déjà en poste avec le statut de fonctionnaire ;
création d’un concours pour le recrutement des autres personnes occupant les mêmes fonctions.
Chat échaudé craint l’eau froide, mais ne rentre pas ses griffes. On essaiera de faire mieux.