Afin de commémorer le centenaire du premier Congrès anarchiste international, la CNT-AIT de Pau et la Coordination Libertaire Étudiante ont organisé un colloque les 25 et 26 octobre derniers dans les locaux de l’Université de Pau. Les jours précédents déjà, une exposition informative sur des principaux participants au Congrès d’Amsterdam, les idées de certains théoriciens de l’anarchisme, ainsi que des événements déterminants pour l’histoire du mouvement libertaire (Commune de Paris…) décorait les couloirs de la Faculté de Lettres et de Sciences humaines.
Durant ces deux jours, les participants ont pu assister à plusieurs conférences-débats ainsi qu’à la projection du film Malatesta de Lilienthal, présenté à Cannes en 1969 et pour la première fois en version sous-titrée française.
Le samedi 27 octobre, une manifestation semblable (conférences, exposition et film) était organisée par la CNT-AIT de Bordeaux à l’Athénée libertaire.
Ces deux événements ont bénéficié de la collaboration des Éditions du Temps perdu qui, pour l’occasion, ont publié quatre ouvrages qui reprennent séparément et ensemble les contributions des trois chercheurs qui ont fait connaître leurs travaux dans le cadre de ces rencontres.
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Congrès anarchiste d’Amsterdam (1907), le syndicalisme en débat, Ariane Miéville, Éd. du Temps perdu, Orthez, 2007, 145 pages, 9 euros.
Congrès anarchiste d’Amsterdam (1907), le débat Monatte/Mala- testa revisité, Gaetano Manfre- donia, Éd. du Temps perdu, Orthez, 2007, 25 pages, 3 euros.
Congrès anarchiste d’Amsterdam (1907), le débat « Anarchie ou syndicalisme » à la lumière argentine, Hélène Finet, Éd. du Temps Perdu, Orthez, 2007, 65 pages, 6 euros.
Et le livre comprenant les trois interventions ainsi que les biographies de Cornelissen, Fabbri, Malatesta, Monatte, Rocker et Schapiro :
Congrès anarchiste d’Amsterdam (1907), 1907-2007, un siècle d’anarcho-syndicalisme, Hélène Finet, Gaetano Manfredonia, Ariane Miéville, Éd. du Temps perdu, Orthez, 2007, 247 pages, 18 euros.
Ariane Miéville a restitué le Congrès d’Amsterdam dans son contexte historique, en expliquant l’itinéraire et les motivations des principaux organisateurs. Elle a tout particulièrement traité du débat sur la question syndicale, montrant comment l’anarcho-syndicalisme, qui constituait la pratique majoritaire des travailleurs présents en 1907 à Amsterdam, ne parvint pas véritablement à se faire entendre dans le cadre du débat entre Pierre Monatte de la CGT et l’anarchiste italien Errico Malatesta. Ces deux personnalités avaient alors traité de la nature supposée du fait syndical. Jugés révolutionnaires par le premier, les syndicats étaient considérés comme réformistes, voire conservateurs par le second, qui exhortait pourtant les anarchistes à y participer !
Revenant sur ce débat, Gaetano Manfredonia a expliqué qu’on ne pouvait se limiter à étudier l’anarchisme comme une doctrine. Il a insisté sur la nécessité qu’il y a à s’interroger sur le sens que les militants accordent à leurs pratiques. Ceci faisant, on découvre que les anarchistes « n’ont jamais eu une conception unique du changement social ». Malatesta et Monatte représenteraient de manière idéale typique deux des trois conceptions qu’il propose de distinguer : (insurrectionnelle, syndicaliste et éducationniste-réalisatrice).
Quant à Hélène Finet, elle a exposé les débats qui traversaient, à l’époque, la Fédération Ouvrière Régionale Argentine. Retraçant l’histoire de cette organisation des origines jusqu’au début des années 1920, elle a montré comment les travailleurs majoritairement anarchistes de la FORA essayèrent de résister aux multiples tentatives de conquête des « syndicalistes révolutionnaires » ou « syndicalistes purs », faites au nom de l’unité et de l’apolitisme supposé du mouvement ouvrier. Refusant y compris l’étiquette anarcho-syndicaliste, les militants de la FORA ne renoncèrent jamais à revendiquer leur identité libertaire et à exhorter les travailleurs à assumer la confrontation des idées.