L’affaire Gautier-Sauvagnac n’aura été qu’un soufflé qui retombe. L’intéressé a démissionné, les syndicats n’ont pas réagi, les journalistes ont d’autres chats à fouetter. Cette mise en scène du « non évènement », qui associe tous les acteurs du pouvoir – patrons, gouvernement, syndicats institutionnels, média – devrait pourtant nous interpeller.
Inutile d’épiloguer sur le dossier lui-même, posons-nous plutôt une question simple : pourquoi ni le MEDEF, ni le pouvoir politique, ni les syndicats n’utilisent cette affaire pour se porter des coups ? Les syndicats institutionnels ne sont pas clairs, les patrons et politiciens non plus.
Et que va-t-il sortir de cette affaire ? A première vue, ce sera un accord sur le financement des syndicats. La CGT a saisi l’occasion pour demander « la convocation dans les meilleurs délais d’une première séance de négociation conformément à l’engagement du 19 juin 2007, sur le dossier de la représentativité syndicale [qui] détermine grandement le problème de financement des organisations ». Financer les syndicats, c’est aussi une promesse du candidat Sarkozy qui a réaffirmé sa volonté d’en discuter, le 18 septembre dernier. Le MEDEF est d’accord.
Bien étrange ritournelle qui associe tous les pouvoirs dans un accord idyllique : les patrons et le gouvernement de droite s’entendent avec des dirigeants syndicaux – qui ferment les yeux sur les « problèmes internes » du MEDEF – pour trouver un accord de financement de leurs organisations [soi-disant] indépendantes et fer de lance de la contestation. Pour que les pouvoirs politique et économique lâchent de l’argent dans le syndicalisme, c’est qu’il s’agit d’un enjeu. Pourquoi acheter le syndicalisme si celui-ci ne possède pas un potentiel de transformation sociale non exploité ? Pour le système, il faut des syndicats sages pour éviter que d’autres n’apparaissent beaucoup plus dangereux pour lui.
Aujourd’hui, les travailleurs ne croient plus en un changement venu des élections. La gauche et l’extrême gauche sont actuellement incapables d’organiser et de canaliser les mécontents. Qui le fait ? Qui prend l’initiative de la « contestation sociale » ? Les syndicats institutionnels prétendent le faire. Mais face aux attaques actuelles, peut-on réellement parler de contestation, quand les initiatives proposées ont été une journée de grève le 18 octobre et une autre prévue pour le 20 novembre ? Beaucoup espèrent que ces syndicats proposent des actions. Lorsqu’un mouvement explose, comme en 2003, leurs mots d’ordre restent malheureusement un lien fédérateur pour des actions nationales. Ainsi, ils peuvent enterrer le mouvement au moment opportun. Le verrou syndical est essentiel à la stabilité sociale. S’il disparaît, des mouvements sociaux non contrôlés pourraient ouvrir la voie à de véritables pratiques syndicales, indépendantes du pouvoir, des patrons et des partis politiques.
La morosité actuelle tient en une phrase « face à tout ce que le gouvernement fait, personne ne réagit ». Combien de fois l’avons-nous entendue ? Mais si tous ceux qui la prononcent décidaient d’agir plutôt que d’attendre, le pouvoir aurait du souci à se faire.